Quelle grâce, durant cette retraite de noviciat, de pouvoir être le témoin de l’action de Dieu dans la vie de mes jeunes frères ! Comme l’année passée, je ne propose pas, au début de ce noviciat, une retraite « prêchée » mais un cadre pour que chaque novice puisse relire sa vie en dialogue avec la Parole de Dieu et découvrir les pistes de croissance que lui ouvre l’Esprit… Cela signifie qu’en dehors des offices célébrés en commun, chacun doit placer, dans sa journée, quatre temps d’oraison d’une heure chacun, un temps de rencontre avec son accompagnateur (le maître des novices), des espaces de détente et un temps de relecture de sa journée… Trouver son rythme et le tenir durant sept jours peut être éprouvant, mais aussi ô combien bénéfique !
Je vis donc pour ma part cette retraite, surtout du côté de l’écoute, à raison d’environ six heures par jour… Et je suis le témoin privilégié de l’action de l’Esprit en chacun, des libérations qui s’opèrent, des prises de conscience de la trajectoire de sa vie, de la confiance qui grandit envers lui-même et envers le Seigneur, etc. L’accompagnateur ne fait finalement qu’aider chacun à se connaître et à découvrir en lui-même la volonté de Dieu !
Cela m’incite à lancer cette invitation, à chacun d’entre vous : ne pensez-vous pas pouvoir offrir à vos frères et sœurs – ou offrir à d’autres encore si vous le vivez déjà – une écoute bienfaisante ? : une écoute bienveillante, une écoute qui aide à déceler le fil rouge de sa vie, une écoute éclairée par la Parole de Dieu… et surtout pas intrusive ou manipulatrice… Il semblerait que cette écoute peut même se vivre – même si ce n’est pas l’idéal – par le truchement d’Internet… Voilà un service pour nos frères et sœurs grandement « utile » et à la portée de beaucoup, non ?
Depuis samedi, je me demande sincèrement ce qui est le plus difficile : écouter, écouter et écouter des novices dans la relecture de leur vie à raison de 6 heures par jour, écouter et écouter des clients en consultation-coaching à raison de six heures par semaine, ou écouter des amis de passage dans un 5 à 7 ? … à raison d’une moyenne de 6 minutes chacun ? J’arrive à la conclusion que les trois sont également difficiles, vidants, barbants et pesants. Les trois sont aussi exaspérants, désespérants. Les trois rendent tristes.
Les deux premières situations ont au moins ceci qu’elles ont du sens ; la troisième… ? Ben… À moins que… Ce que votre lettre me fait comprendre, P. Benoît (il a fallu que je me force, remarquez) c’est que celui qui me parle de ses pneus d’hiver dans un 5 à 7, ou de la maladie de sa cousine, ou même des visites à son banquier, celui-là aussi me révèle quelque chose de l’Esprit : les humains « parlent » ! Il doit bien y avoir une raison ! Avec des mots de la confidence ou avec quelques phrases « toutes faites », chacun, je crois, cherche à « se » dire… « parce qu’il n’est pas bon que l’homme soit seul ». J’ai réalisé avec votre lettre que la moindre des charités, si on est chrétien, le moindre des témoignages de l’Esprit à travers nous, c’est de ne jamais se mettre au-dessus de la parole vive d’un autre être humain. On a l’habitude de prendre la parole comme une sorte de jeté-là, alors qu’elle est d’abord, et surtout, quelque chose qui « vient de ». Qui sommes-nous pour nous sentir désespérés quand un humain nous révèle chaque fois – chaque fois – sa vie intérieure ? J’avoue que c’est plus difficile à décoder dans les babillages des 5 à 7 ou les 140 caractères de Twitter et autre Internet ! J’ai envie, toutefois, de prendre votre invitation au sérieux et d’écouter à neuf, pour voir…