29ème dimanche, année B, Mc 10,35-45 /
« Que voudriez-vous que je fasse pour vous ? » (Mc 10,36) Cette question de Jésus à Jacques et Jean s’adresse également à nous. Que répondons-nous spontanément ?… Délivrance de nos malheurs, réussite matérielle, amour, assurance du paradis ? Des demandes, somme toute, bien légitimes… et Jésus ne les dénigre pas, sauf celles vraiment trop axées sur la recherche d’honneur, de pouvoir, de possession. Mais il nous indique une voie meilleure, celle du service : « Celui qui veut être le premier sera le serviteur (l’esclave) de tous ! » (Mc 10, 44) Qui plus est, il l’illustre par sa vie, en incarnant le « serviteur souffrant » annoncé par Isaïe (cf. la première lecture de ce dimanche) : « Car le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir, et donner sa vie en rançon pour la multitude. » (Mc 10,45) Non franchement, la perspective ne semble pas très séduisante… à moins de comprendre, de l’intérieur, qu’effectivement le service donne sens à notre vie, qu’il est source de joie et qu’il nous ouvre la porte de la vie éternelle !
Le service donne sens à notre vie !
Nous savons, d’une part, que le but de l’être humain est de réaliser sa ressemblance à Dieu, sa « divinisation », inscrite en lui dès la fondation du monde : « Dieu créa l’homme à son image, à l’image de Dieu il le créa, homme et femme il les créa. » (Gn 1, 27) et, d’autre part, que lorsque Dieu se fait homme, il manifeste en plénitude ce que l’Ancien Testament révélait déjà clairement, à savoir que l’essence même de Dieu est de se donner, de servir et d’aimer… La conclusion est limpide : pour que l’homme se réalise pleinement, il doit lui aussi grandir sur ce chemin du service, du don de soi, de l’amour oblatif. Cela entre-t-il en concurrence avec un épanouissement de notre vie ? Nullement… La réussite de nos études, de notre travail, de notre vie familiale prend justement sens lorsqu’elle nous permet aussi de réaliser notre vocation de ressemblance à Dieu, comme le dit bien une des oraisons de l’office des Laudes : « Tu demandes à l’humanité, Dieu créateur, de se perfectionner de jour en jour et d’achever par son travail l’œuvre immense de la création; aide-nous à faire que tous les hommes aient des conditions de travail qui respectent leur dignité: qu’en s’efforçant d’améliorer leur propre sort, ils agissent avec un esprit de solidarité et de service. » (Prière du temps présent, Laudes de la 4ème semaine) Oui, le service donne sens à notre vie et, à contrario, lorsque nous nous sentons inutiles, le sens de notre vie est bien difficile à percevoir…
Le service est source de joie !
Mais faisons un pas de plus. Suivant les cultures, le service est plus ou moins dévalorisé… En Afrique, par exemple, l’enfant ou le plus jeune est souvent corvéable à merci, si bien que, certes, il apprend ainsi à servir, mais lui est également inculquée l’idée qu’un service est forcément asservissant. Aussi, dès que l’on aura franchi quelques échelons de cette société très hiérarchisée, s’empresse-t-on de se libérer de toute forme de service pour passer du côté de celui qu’on sert. Les effets de cette éducation se font ressentir à bien des niveaux, par exemple lorsqu’un jeune homme devient prêtre, il devient un « notable », et certaines tâches ne devraient plus lui incomber… Alors qu’au contraire, recevoir un ministère dans l’Église signifie recevoir un service à remplir ! Il s’agit donc d’évangéliser notre culture ! Non, le service accepté n’est pas asservissant, ni dévalorisant, mais source de joie ! N’avez-vous jamais fait l’expérience d’un service vous remplissant de joie et faisant sourdre en vous une profonde paix ? Comme une activité, dont vous aviez la charge, menée à terme ; un service purement gratuit rendu au voisin, ou à une personne en difficulté ; une petite réparation dans la maison ou un bon petit plat mijoté pour vos proches, etc. ? Et de petits services en petits services, votre cœur ne se rapproche-t-il pas du cœur de Dieu ?
Le service nous ouvre la porte de la vie éternelle !
Jacques et Jean manifestent le désir d’avoir les meilleures places dans le Royaume… Jésus ne dit pas que leur désir est mauvais, mais que le seul chemin pour y parvenir est celui du service, et que, forcément, s’ils cultivent une véritable âme de serviteur, ils seront libérés de toute recherche de récompense ou d’honneur. La vie éternelle ne s’ouvre-t-elle pas à celui-là, seul, qui n’en force pas la porte d’entrée, mais emprunte, comme par inadvertance, la porte de service ? Débarrassons-nous donc de tout souci relatif à la vie éternelle et concentrons nos énergies à toujours mieux servir nos frères ici-bas ! Le chemin du bonheur ne consiste-t-il pas à se dessaisir de notre propre quête de bonheur afin d’être toujours plus disponible à offrir du bonheur autour de nous ?
« Que voudriez-vous que je fasse pour vous ? »
Oserons-nous répondre :
« Apprends-nous à servir » ?
Pour mieux servir je comprends que je me laisse d’abord enseigner de l’intérieur.Quand Jésus dit «Que veux-tu que je fasse pour toi?» il m’enseigne la route du serviteur et j’avance là où il me guide…Un chemin qui me fait de plus en plus semblable à lui en servant et en aimant mes frères.