Différences culturelles…

J’aime souvent vous parler de fraternité universelle,  et j’aime aussi souligner que les affinités dans nos communautés internationales recouvrent rarement nos origines nationales… À savoir que l’on peut se sentir très proche, sur différents plans, de frères d’une toute autre culture que la nôtre et avoir beaucoup moins d’affinités avec des frères issus de la « même » culture. La part des incompréhensions liées à nos histoires culturelles différentes me semble vraiment minoritaire en comparaison des incompréhensions liées à des personnalités difficilement compatibles. Ces propos ne sont pas théoriques, mais le fruit de vingt-cinq années de vie communautaire internationale…

Cependant j’aimerais souligner quelques îlots de résistance culturelle…

L’humour, bien-sûr, est toujours éminemment culturel puisqu’il joue avec les limites d’une culture… J’avoue que les caricatures des journaux satiriques, où l’on s’amuse de membres coupés et autres tortures ou encore de viols  et autres sévices sexuels (pour les dénoncer), ne sont pas tout à fait de mon goût…

Un autre exemple concerne la question de l’homosexualité… Puisque la France est en train d’aborder la question du « mariage pour tous » (un bel exemple du langage politiquement correct), j’ai essayé de lancer le débat à table sur la question de l’homosexualité et force est de constater que le chemin à parcourir en Afrique – mais pas seulement en Afrique d’ailleurs –, est encore très long. Evidemment on constate toutes sortes d’amalgames, beaucoup de personnes ne semblant pas arriver à aborder, de façon différenciée, les tendances sexuelles (en général non choisies et relevant d’un développement psycho-sexuel complexe), la vie relationnelle et sentimentale, la sexualité mise en œuvre, ou les revendications d’égalité de droits et de reconnaissance. Bref, on est loin de la question d’un mariage… Le choc culturel se situe surtout au niveau des réactions épidermiques et des propos outranciers qui ne semblent choquer personne ici… Le texte des évêques de France, à propos du débat sur le « mariage pour tous », n’est pas près d’être formulé par des évêques africains. Pour ne pas noircir le tableau, je découvre aussi que, petit à petit, les mentalités changent et que plusieurs africains s’investissent contre le sentiment anti-homosexuel en Afrique, contre l’hypocrisie générale, contre l’utilisation des personnes homosexuelles comme boucs émissaires ou par attiser la haine anti-blanc (car l’homosexualité est supposée être une invention des blancs,  c’est bien connu…). Voir l’article de Jeune Afrique « L’Afrique est-elle homophobe »…

Voici donc quelques extraits du texte des évêques de France, affirmant à la fois la nécessité d’accueillir les personnes homosexuelles, de lutter contre l’homophobie et de dénoncer un « mariage pour tous » niant les différences. (Il faudrait lire le texte en entier d’où le lien en bas de citation.)

« Du côté de l’Eglise catholique, la Congrégation pour la doctrine de la foi invitait, dès 1976, les catholiques à une attitude de respect, d’écoute et d’accueil de la personne homosexuelle au cœur de nos sociétés. Dix ans plus tard, la même Congrégation soulignait que les expressions malveillantes ou gestes violents à l’égard des personnes homosexuelles méritaient condamnation. Ces réactions « manifestent un manque de respect pour les autres qui lèse les principes élémentaires sur lesquels se fonde une juste convivialité civile. La dignité propre de toute personne doit toujours être respectée dans les paroles, dans les actions et dans les législations ».

[…] Les préjugés ont la vie dure et les mentalités ne changent que lentement, y compris dans nos communautés et familles catholiques. Elles sont pourtant appelées à être à la pointe de l’accueil de toute personne, quel que soit son parcours, comme enfant de Dieu. Car ce qui, pour les chrétiens, fonde notre identité et l’égalité entre les personnes, c’est le fait que nous sommes tous fils et filles de Dieu. L’accueil inconditionnel de la personne n’emporte pas une approbation de tous ses actes, il reconnaît au contraire que l’homme est plus grand que ses actes. Le refus de l’homophobie et l’accueil des personnes homosexuelles, telles qu’elles sont, font partie des conditions nécessaires pour pouvoir sortir des réactions épidermiques et entrer dans un débat serein autour de la demande des personnes homosexuelles.

[…] La société, tout comme l’Eglise dans le domaine qui lui est propre, entend cette demande [de reconnaissance]  de la part des personnes homosexuelles et peut chercher une réponse. Tout en affirmant l’importance de l’altérité sexuelle et le fait que les partenaires homosexuels se différencient des couples hétérosexuels par l’impossibilité de procréer naturellement, nous pouvons estimer le désir d’un engagement à la fidélité d’une affection, d’un attachement sincère, du souci de l’autre et d’une solidarité qui dépasse la réduction de la relation homosexuelle à un simple engagement érotique. Mais cette estime ne permet pas de faire l’impasse sur les différences. La demande des personnes homosexuelles est symptomatique de la difficulté qu’éprouve notre société à vivre les différences dans l’égalité. Plutôt que de nier les différences en provoquant une déshumanisation des relations entre les sexes, notre société doit chercher à garantir l’égalité des personnes tout en respectant les différences structurantes qui ont leur importance pour la vie personnelle et sociale. »

…. Pour lire le texte en entier cliquer ici

Différence assumée

Nous avons eu la joie de nous associer, à distance, à la célébration d’ordination presbytérale de notre frère Pierre Pham Van Duong, aveugle, qui s’est tenue dimanche dernier, 14 octobre, à Paris. Il n’est pas si banal d’ordonner un jeune homme avec un handicap :

Ordination de notre frère aveugle, Pierre Pham Van Duong

« Ordonner un prêtre handicapé oblige à une constante adaptation, de l’intéressé comme de la communauté. Pierre Pham Van Duong a pu mener ses études grâce à un ordinateur à reconnaissance vocale et des textes bibliques ou liturgiques en braille. Ce grand bavard prend aujourd’hui avec le sourire les réticences et maladresses qu’il a dû affronter, pour ne retenir que le meilleur : l’accueil de la paroisse Saint-Hippolyte, son curé, le P. Renaud de la Soujeole, en tête. Les heures passées à l’accueil, où ses qualités d’écoute sont très appréciées, ont préparé Pierre à sa prochaine mission. En novembre, il retournera au Vietnam comme assistant du maître des novices. »

Extrait de l’article du journal La Croix, paru à cette occasion, et qui aborde plus largement la question des prêtres et du handicap, intitulé : Les prêtres handicapés demeurent rares en France.

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Une réponse à Différences culturelles…

  1. Monique dit :

    Grands dieux, P. Benoît, vous z-y allez pas avec le dos de la cuiller aujourd’hui ! Avec le mystère de la vie et le scandale de la mort, les questions de l’humour et de l’incarnation (ou dit autrement, de la place du corps dans l’âme) sont de loin peut-être les plus difficiles et curieusement les moins documentées à ce jour ! Rien n’a encore expliqué à satisfaction comment il se fait que l’esprit qui est une « faculté » si sérieuse se détende au point de s’amuser – activité « légère » que l’on reconnaîtrait plutôt à la sensibilité. N’est-ce pas plus ou moins la même chose s’agissant du corps ? Je veux dire le corps humain car c’est lui qui est sous-jacent, il semblerait, dans les débats sur l’homosexualité. Dès le début de l’histoire, il est dit que l’homme a été fait différencié : homme et femme. Sexué. Ce qui pour moi n’est pas clair, c’est pourquoi cette sexualité pose problème s’agissant des humains ? On ne parle pas de la sexualité des plantes mais de leur reproduction ; ni de celle des animaux, poissons et autres insectes à moins que ce ne soit par une figure analogique ou anthropomorphique dont on n’est pas tout à fait dupes.

    Est-ce que je me tromperais si je disais que par rapport à cette question de la place du corps sexué, et donc diversement désirant, chez l’humain (et l’humaine), deux ou trois regards se sont prévalus – et se prévalent encore – de la vérité : celui qui la nie tout simplement en croyant qu’à ne pas être pensé le corps finirait par cesser d’être encombrant ? (!) ; celui qui le voit comme un mal et/ou un destin scandaleux résultat de la Chute (!) ? ; enfin celui qui en fait un objet, un outil à notre disposition, biffant d’un seul coup la distinction entre corps et chair ? Ce qui me frappe, c’est qu’aucun des promoteurs de l’une ou l’autre de ces opinions n’a fait valoir jusqu’à maintenant les fondements premiers (premiers !) de leur affirmation. Passion, idéologie ou les deux à la fois ?

    Mais, en réalité, en effet, « par où commencer » pour investiguer cette question si essentielle ? si centrale ! Par le politique ? par le sociologique ? le législatif ? par l’anthropologie ? par la psychologie et l’hypothèse freudienne de l’inconscient ? par la théorie de l’évolution ? par le constat des « pratiques » culturelles, variables par définition ? Ou encore par les images qui ont été faites du corps au cours de l’histoire scientifique ? par l’intérêt du plus grand nombre ? l’utilitarisme, l’égalitarisme ? le féminisme ? par la nouvelle hypothèse, le « gender theory » ? le consensus, imaginaire ou pas ? par des statistiques, voie moderne de la certitude ? par le discours théologique de la Tradition ? Le document de la CEF déploie tout un maquis de possibilités mais je me sens comme au supermarché avec le trouble de ne pas savoir par où commencer… Le texte a l’air de vouloir proposer une « morale provisoire » comme autrefois Descartes, le héros des Français – (là je blague pour alléger un peu la conversation, pardonnez-moi !).

    Je me trompe sans doute, je m’égare sûrement, mais en somme, j’ai le sentiment que tant qu’on n’aura pas le courage de travailler à cette difficile et longue question du corps humain, on ne fera que soulever des passions… et des idéologies douloureuses, violentes et injustes…

    Par ailleurs, faire valoir la noble question de l’amour (pur, sincère, courtois…) en pensant se sauver des difficultés, c’est faire de l’amour quelque chose de désincarné. Ça marche pas non plus. JE ne m’en sors pas… ; et vous ? Mais je suis prête à attendre 500 ans, s’il le faut, pour que jaillisse une lumière… peut-être ! Qu’est-ce qu’on doit penser entre-temps ? J’sais pas ! Vous avez raison toutefois de questionner, et le paradoxe est là : condamner les personnes n’est pas chrétien, se précipiter sous la persuasion de la demande pressante n’est pas « raisonnable »…

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