« L’africanisme », c’est ainsi qu’un ami togolais nomme tous les coups bas qui se font par ici, entre « frères de misère », via les forces occultes. Lorsque quelqu’un réussit, me dit-il, «les autres », jaloux, cherchent à lui mettre des bâtons dans les roues par toutes sortes de moyens – et ils sont très forts sur les moyens ! Sans compter que la polygamie officielle ou officieuse, la supposée « belle grande famille africaine » avec les oncles, les tantes, les neveux et nièces, les demi-sœurs et demi-frères, les orphelins recueillis en famille, etc., crée le climat idéal pour ces intrigues. Que de souffrances vécues, en raison de ces pratiques, de ces relations malsaines, de ces malveillances ! Je me dis, de plus en plus, qu’un lieu spécialisé pour l’accompagnement de ces personnes malmenées dans leurs relations serait vraiment nécessaire par ici car, finalement, nous sommes déjà très souvent sollicités pour ce «travail», sans vraiment avoir les ressources et les compétences nécessaires pour y répondre… Le « Centre d’intégration humaine » de nos frères de Mexico, où l’on offre des services d’accompagnements psychologiques et spirituels, c’est-à dire où l’on essaie d’accompagner les personnes dans toutes les dimensions de leur vie, pourrait nous inspirer… Oui, « l’africanisme » est bien présent et entretient un climat de peur et de suspicion, c’est un frein réel au développement serein de chacun et chacune et de l’ensemble de la société…
Bien sûr nous ne sommes pas épargnés par la jalousie et la malveillance en Occident, mais le phénomène est loin d’avoir une telle ampleur, et surtout le passage à l’acte et les moyens employés pour nuire ne sont pas comparables… Nos familles restreintes sont peut-être plus fraternelles, mais c’est l’individualisme et l’indifférence à ce que vivent nos voisins et nos proches qui nous guette…
Nos communautés religieuses prétendent, elles, témoigner d’une fraternité universelle au-delà des origines, des sensibilités, des âges : « Nous nous acceptons différents, car Celui qui nous unit est plus fort que ce qui nous sépare. Il faut constamment dépasser nos divisions et nos limites pour nous retrouver dans l’accueil et le pardon. Si nous faisons passer l’écoute bienveillante et le respect des personnes avant les divergences d’opinion et les distinctions d’origine, d’âge, de mentalité ou de santé, notre diversité devient richesse.» (Règle de vie n°8) Les mots sont beaux, mais la construction de cette fraternité demande beaucoup d’énergie, car elle n’est pas donnée d’emblée : « La vie fraternelle est à construire tous les jours. Accueillie comme un don de Dieu, elle exige de chaque religieux une conversion quotidienne qui affermit sa propre fidélité et celle de ses frères. Notre amour de Dieu et des hommes s’éprouve et se révèle dans la vérité de nos relations. Nul ne peut goûter la joie de cette vie sans y engager toute sa personne. » (Règle de vie n°7)
Ceux qui pensent que les religieux et religieuses sont de bonnes personnes qui ne peuvent que vivre harmonieusement entre-elles, se font beaucoup d’idées fausses… Les religieux et religieuses sont des êtres humains comme les autres, mais qui se sont donné certains moyens pour suivre le Christ… qui se sont engagés, par vœux, à ne pas se satisfaire d’une fidélité bancale à l’Évangile, mais de cheminer sans cesse vers une vie plus fraternelle, mieux aimante (vœu de chasteté), plus solidaire (vœu de pauvreté), plus conforme à la volonté de Dieu (vœu d’obéissance) ! Nous avons donc certains atouts pour avancer vers la fraternité, mais à condition de prendre tous les moyens mis à notre disposition par notre genre de vie…
Et vous, quels sont vos ressources pour avancer sur le chemin de la fraternité, du pardon, de la bienveillance ?
Comment passer de nos « africanismes », de nos « occidentalismes », à un Évangélisme ?
Vos propos, Benoît, disent en plus développé, le sentiment qui m’habite ces temps-ci et qui est lié à la question : Peut-on éduquer réellement ? Bien sûr je ne parle pas de la scolarisation mais de l’éducation. Tous les « ismes » que vous alignés, qui concernent la vie de chacun dans le concret de leur vie – auxquels on pourrait en ajouter d’autres comme « corporatisme », « chauvinisme », « les sophismes » des médias, de la mode, et des propagandes, « le nihilisme », « l’individualisme » que vous mentionnez, « l’utilitarisme » qui dénature jusqu’à l’amour, bref tout cela avec les vôtres d’ismes, me désespèrent. Comment lutter contre ces pouvoirs si puissants ? Comment prémunir un jeune contre ces idéologies ? L’éducation peut-elle vraiment quelque chose ?
Qui n’a pas le goût d’oublier tous ces «ismes» en écoutant l’Hallelujah (louer Jéhovah — Jahvé) du maître chanteur canadien Leonard Norman Cohen ? TLV