Attendrons-nous la Parousie ?

(En raison de mes activités, reprise d’une méditation de 2010)

17 novembre 2013, 33° dimanche C, Lc 21,5-19 /

Peut-être trouverez-vous ce commentaire trop loin de vos préoccupations et trop loin du sens littéral de l’évangile de ce dimanche, dans ce cas, n’hésitez pas à passer à autre chose. Mais peut-être cela fera-t-il sens pour vous, bien que cette méditation soit très marquée par une récente session, avec les novices, de relecture de leur histoire affective… Nous approchons de la fin de l’année liturgique, et le thème de la Parousie (du retour du Christ à la fin des temps) est omniprésent. Dans ce contexte apocalyptique, Luc nous parle de destruction du Temple, de persécutions à vivre, de témoignage à rendre et de persévérance. Mais j’y entends – aujourd’hui en tout cas- dépassement de l’image de soi, consentement à ses blessures  et accueil de la Vie.

Dépasser l’image de soi !

« Quelques-uns parlaient du Temple, de son ornementation de belles pierres et d’ex-voto. Jésus dit : ‟Ce que vous contemplez, des jours vont venir où il n’en restera pas pierre sur pierre : tout sera détruit.ˮ » (Lc 21,5) Cette destruction du Temple, nous le savons, ouvrira à un culte « en esprit et en vérité », à une présence de Dieu, non plus cantonnée au Temple, mais inscrite dans les cœurs… Or, des temples, nous en construisons à longueur de vie : non seulement pour cantonner Dieu à ce qu’il devrait être (selon nous), mais aussi pour cantonner notre vie à ce qu’elle devrait être (selon nous). Ce temple, cette « image taboue » de nous-mêmes,  nous empêche bien souvent de vivre de façon juste et en vérité : « Je suis nul » ; « Je suis médiocre » ; « Je dois être fort » ; « Je ne dois pas pleurer » ; « Je suis mal-aimé » etc… Peut-être qu’à une certaine période de nos vies, cette image fut utile pour survivre… Mais vivre, c’est autre chose… « Détruisez ce Temple, et en trois jours je le relèverai » (Jn 2,19)… Accepter de dépasser l’image de soi – s’autoriser à pleurer, à se montrer faible, à apparaître non-maquillée…. –  et se rendre compte que le monde ne s’écroule pas, mais que nous pouvons aussi exister sur ce mode-là, et même plus, découvrir que nous existons de façon plus juste, plus vraie : relevés « en esprit et en vérité » ! Quelle expérience libératrice…

Consentir à ses blessures !

« Vous serez livrés même par vos parents, vos frères, votre famille et vos amis, et ils feront mettre à mort certains d’entre vous. » (Lc 21,16) Cette parole nous paraît dure, improbable, et pourtant nous avons tous vécu cela à divers degrés ! Blessures d’enfance, d’adolescence ou de notre vie adulte, jalousies, désir de se conformer aux attentes de nos parents, deuils vécus comme des trahisons, culpabilité traînée comme un boulet… Oui, tous et chacun, d’une manière ou d’une autre, nous sommes livrés à la vie avec toutes nos blessures, et qui font d’autant plus mal, lorsqu’elles nous sont infligées par ceux que nous aimons, et qui nous aiment : livrés [en pâture à la vie] par nos parents, nos frères, notre famille et nos amis… Et pour certains cela conduit à une non-vie : ils feront mettre à mort certains d’entre vous… Alors comment vivre ? « Mettez-vous dans l’esprit que vous n’avez pas à préparer votre défense. »(Lc 21,14) Il s’agit d’abord de reconnaître ces blessures, qui ont façonné ce que nous sommes, avec toutes nos fragilités et nos forces. De ne pas s’en défendre, au sens de ne pas s’en cacher… Croyez-vous que l’on puisse aimer sans souffrir, sans être blessé ? Croyez-vous qu’il existe des personnes qui n’ont pas de blessures (ce ne serait pas des êtres humains mais des robots) ? Croyez-vous que vous seriez vivants sans ces blessures, sans ces séparations et en étant demeurés dans le cocon du sein maternel ? Il s’agit aussi certainement de pardonner à nos parents, à ceux qui nous ont blessés car ils ont fait comme ils ont pu avec ce qu’ils étaient… bref, de pardonner à la vie, c’est-à-dire de consentir à la vie qui nous a été donnée de vivre en quittant nos rêves stériles –nos temples– d’une autre vie.

Accueillir la vie !

Et Dieu dans tout cela ? Et bien c’est Lui qui nous a donné la vie, et qui nous la donne en abondance ! « Ne vous effrayez pas ! […] Je vous inspirerai un langage et une sagesse à laquelle tous vos adversaires ne pourront opposer ni résistance ni contradiction […] Pas un cheveu de votre tête ne sera perdu. […] C’est par votre persévérance que vous obtiendrez la vie. » (Lc 21) Nous n’avons pas le choix de vivre ce que nous avons à vivre, mais nous avons le choix de lui donner un sens, de reconnaître que cette vie, qui nous anime, c’est la vie même de Dieu, qu’il n’est pas dans un temple, qu’il n’est pas dans nos chimères, mais qu’il est au cœur de notre vie avec toutes nos blessures. La persévérance n’est pas de l’ordre du combat à la force de nos poignets, contre nos blessures, contre les autres mais de l’ordre du consentement à la Vie de Dieu en nous ! De l’Alliance avec la Vie, qui nous vient de Dieu, qui habite en nous et qui anime chacun de nos frères et sœurs !

Pour ce consentement à la Vie,

pour ce retour de la Vie de Dieu en nous,

attendrons-nous la Parousie ?

 

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Une réponse à Attendrons-nous la Parousie ?

  1. Thérèse L.-Vézina dit :

    Plus que jamais, cette reprise d’une méditation de 2010 sur la Parousie correspond à notre monde actuel, celui de 2013.
    Personnellement, je crois que dans la perspective de l’avènement du Christ glorieux, je dois retenir de l’évangile du 33e dimanche du temps ordinaire, un leitmotiv sécurisant, à savoir : « C’est par votre persévérance que vous obtiendrez la vie. »

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