Sous la grâce !

24 août 2014, 21ème Dimanche année A, Mt 16,13-20/

 Simon-Pierre déclara : « Tu es le Messie, le Fils du Dieu vivant ! »… « Heureux es-tu, Simon fils de Yonas : ce n’est pas la chair et le sang qui t’ont révélé cela, mais mon Père qui est aux cieux. Et moi, je te le déclare : Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église. » (Mt 16,16…18) Il me semble toujours difficile d’interpréter ce passage sans lire les versets qui suivent. Après que Jésus a annoncé sa mort prochaine, Pierre le prend à part et se met à lui faire de vifs reproches : « ‘Dieu t’en garde, Seigneur ! Cela ne t’arrivera pas.’ Mais lui, se retournant, dit à Pierre : ‘Passe derrière moi, Satan, tu es un obstacle sur ma route ; tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes.’ » (Mt 16,22-23) Comme quoi la grandeur de Pierre ne tient qu’en sa disponibilité à la grâce, dès qu’il écoute plutôt ses peurs et ses craintes, c’est la chute ! N’est-ce pas la même chose pour chacun de nous ?

Disponible à la grâce !

Pierre est vraiment un bon frère pour chacun d’entre nous ! Nous pouvons nous retrouver facilement dans ces élans généreux, mais aussi dans ses peurs et ses lâchetés… Il n’est vraiment pas un « super disciple » ni un saint trop parfait pour nous rejoindre. Non, il est de la même pâte humaine que nous ! Généreux : il quitte tout pour suivre Jésus, il se jette à l’eau pour marcher à sa suite… Peureux et peu courageux : il prend peur alors qu’il marche sur l’eau, il ne veut pas que Jésus souffre et se met à reprocher à Jésus ses propos ; il renie lui-même son maître par peur d’être condamné avec lui… Souvent, il ne comprend pas grand-chose et dit ce qui lui passe par la tête : « Dressons ici trois tentes ! » Mais aussi, par moment, il se rend disponible à la grâce : sous l’action de l’Esprit, il confesse sa foi en Jésus « le Messie, le Fils du Dieu vivant ! ». Malgré son reniement il réussira à proclamer, par trois fois, en guise de demande de pardon : « Seigneur, tu sais bien que je t’aime ! ». Après la Pentecôte, il haranguera les foules et des miracles s’accompliront par son intermédiaire. Enfin, à l’heure décisive, il donnera sa vie et mourra comme son maître sur une croix, mais la tête en bas par humilité… La grandeur de Pierre ne tient donc qu’en sa disponibilité à la grâce !

Bousculé par la grâce !

Cette disponibilité à la grâce doit s’exprimer à la fois au niveau intellectuel, au niveau spirituel et au niveau de l’agir. « Pour vous qui suis-je ? » (Mt 16,15) Cette question n’interpelle pas simplement notre compréhension intellectuelle de l’identité de Jésus, résumée en une belle formule à la manière de celle de Pierre : « Tu es le Messie, le Fils du Dieu vivant ! ». La suite du passage nous révèle que, malgré sa belle formule, Pierre n’avait pas vraiment compris ce que cela impliquait… L’expression « Fils de Dieu » existait déjà dans les livres de l’Ancienne Alliance, ou dans les mythologies grecques ou romaines, mais n’avait rien à voir avec une compréhension du Dieu Trinitaire. Le titre de « Messie » demeurait lui-même ambigu et multiforme : un messie guerrier ? Un messie libérateur ? Un messie serviteur ? Non, la question est plus existentielle : pour vous qui suis-je, c’est-à-dire non seulement que comprenez-vous de mon identité, mais qu’est-ce que cela change dans votre vie ? La figure des nouveaux convertis peut nous aider à mieux comprendre cela. Un chrétien par habitude, s’il n’a pas fait une vraie expérience personnelle du Christ,  peut bien avoir les bonnes formules sur les lèvres sans que cela change quelque chose dans sa vie… Par contre, un nouveau converti, ou un chrétien engagé, n’aura peut-être pas forcément la bonne formule sur les lèvres, mais sa foi au Christ bouleversera toute sa vie !

Instrument de la grâce !

« Tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon Église ! » Pierre qui finalement sera disponible à la grâce, et qui laissera sa vie être chamboulée par celle-ci, deviendra un instrument privilégié  entre les mains de Dieu. Notons bien l’expression, Jésus ne dis pas « tu bâtiras mon Église », mais « je bâtirai mon Église » en m’appuyant sur toi ! Or, pour bâtir une église, il faut toutes sortes de pierres : une pierre angulaire (le Christ), des pierres de fondations (les apôtres), des pierres solides pour les colonnes (apôtres, martyrs…), des pierres plus légères pour la voûte, des pierres décoratives, parfois inutiles pour la structure, mais très nécessaires pour la beauté de l’édifice… Quelle pierre serons-nous entre les mains de Dieu ? Sommes-nous suffisamment disponibles, humbles, malléables ? Si nous voulons à tout prix être à la fondation alors que celle-ci est déjà en place, nous ne serons pas très utiles… Si nous voulons être une belle pierre décorative alors que le Seigneur a besoin d’une pierre solide sur laquelle appuyer sa construction, à quoi servirons-nous ?…

Voulons-nous finalement vivre sous la grâce ?

Etre disponible à la grâce…

Nous laisser bousculer par la grâce…

Etre un instrument efficace de la grâce de Dieu… ?

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2 réponses à Sous la grâce !

  1. Thérèse L.-Vézina dit :

    Pour ma part, l’objectif c’est de vivre sous la grâce, en privilégiant deux des dix conseils du pape François* :
    — vivre et laisser vivre
    — se donner aux autres

    * «Échange de services ? » (blogue du 1er août 2014)

  2. Monique dit :

    Voilà : si l’on avait cru que je désertais le blog, on aurait eu tout faux : j’étais en voyage à Vancouver. Voyage familial et éducatif – comment d’ailleurs puis-je faire un autre type de voyage puisque que c’est toujours avec un regard éducatif que j’aborde les choses et les événements ! Déformation professionnelle ou mission de vie, allons donc savoir ?

    En fait, P. Benoît, une phrase de votre article m’amène à dire ce que je viens de dire. Vous écrivez : « Sommes-nous suffisamment disponibles, humbles, malléables ? » J’y vois là tout un programme de vie personnelle mais aussi de vie en commun, c’est-à-dire d’éducation. Augustin dit que l’on parle pour deux raisons – et que deux : pour se rappeler et pour enseigner. Ainsi, votre phrase, je la vois comme une invitation à un examen de soi (se rappeler) et comme les guidelines de toute vie sociale. Mon voyage visait la deuxième.

    Par contre, quand vous continuez en opposant nouveaux convertis et chrétiens par habitude, j’hésite à vous suivre. En réalité, je dois avouer que je me méfie des nouveaux convertis, souvent trop zélés, trop exaltés à mon goût et pareillement des chrétiens « engagés », trop souvent intolérants. Bref, aucune des deux figures ne se mettraient, selon moi, sous votre formule « Sommes-nous suffisamment disponibles, humbles, malléables ? ». La question demeure donc : comment s’éduquer, et comment éduquer un autre, à développer ces vertus de disponibilité, d’humilité et de malléabilité ? Comment faire ? Peut-être en acceptant de prendre Pierre comme (grand) frère, comme vous dites, et comme lui, laisser Dieu travailler en nous – plutôt que se croire les gérants en titre de l’œuvre de Dieu. Tout simplement. Non ?

    Par ailleurs, je souhaiterais vivement qu’un de ces quatre, Benoît, vous expliquiez ce que signifie cette belle, énigmatique et lointaine formule : « …s’il n’a pas fait une vraie expérience personnelle du Christ ». Déjà que le mot « personne » est aujourd’hui remplacé par « individu », comment comprendre une expérience « personnelle » du Christ sans basculer dans l’imagination ?

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