Correction fraternelle !

7 septembre 2014, 23ème Dimanche année A, Mt 18,15-20/

Voilà un thème, loin d’être à la mode, surtout dans les sociétés occidentales où le sacro-saint respect de la liberté de chacun implique de laisser l’autre faire ce qu’il veut, sans oser prétendre lui dire ce qui est bien ou mal ! Eh bien la Parole de Dieu de ce dimanche vient bousculer nos habitudes individualistes ! Vous êtes responsables les uns des autres, nous dit le prophète Ézékiel : si ton frère vient à se perdre et que tu ne lui dis rien, Dieu te demandera compte de ton silence ! Et l’Évangile de nous indiquer des façons de faire pour aller trouver son frère et lui montrer sa faute… Nos sociétés traditionnelles villageoises connaissaient la valeur de cette correction fraternelle et, Dieu merci, elle demeure assez vivace dans la société africaine. Un enfant ou un jeune doit respect à tous les anciens et ceux-ci ont, non seulement le droit, mais le devoir d’éduquer cet enfant au même titre que les parents biologiques. « C’est ma maman », dira un jeune, pour présenter une mère de famille du village… « C’est mon fils » dira un adulte de ce village, pour tout enfant du village. Mais cette responsabilité prévaut également entre adultes par le biais de conseils de famille ou de conseils de village : « C’est mon frère » et j’en suis responsable… Comment faire ? Pas de recette miracle, mais trois prérequis : fraternité, responsabilité et charité !

Fraternité !

« Si ton frère a commis un péché… » (Mt 18,15) Avant d’aller plus loin, entendons bien les trois premiers mots : « si ton frère » ! Avant de vouloir faire des remarques à quelqu’un et prétendre le remettre sur le bon chemin, il faut avoir tissé avec lui ou elle, de longue date, des relations fraternelles assez solides ! Y veillons-nous suffisamment dans nos communautés chrétiennes, dans nos paroisses ? J’ai toujours apprécié  les responsables de communautés qui cherchent à créer des espaces pour la fraternité, pour la convivialité, pour la connaissance mutuelle… C’est vital ! Rien n’est possible sans ce préalable ! Je parlais de la structure villageoise traditionnelle : si la correction fraternelle y est possible, c’est parce que l’on se connaît, on fait la fête ensemble, on célèbre les grands moments de la vie ensemble… Mais dans une mégapole, et même dans une petite ville, comment tisser de la fraternité, si ce n’est à travers des lieux d’appartenance, comme une paroisse, un club de sport, une association caritative… à taille humaine ? Le choix de douze apôtres et non pas de cinquante, m’interpelle toujours : voilà une communauté de disciples à taille humaine où une profonde fraternité est possible ! Quelles structures nous donnons-nous au service d’une fraternité à taille humaine ?

Responsabilité !

 « Où est ton frère Abel ? » Caïn répondit : « Je ne sais pas. Est-ce que je suis le gardien de mon frère ? » (Gn 4,9) Cette question de la responsabilité envers « son frère » est vieille comme le monde… On n’a pas vraiment besoin de faire appel à la religion pour laisser raisonner cette question profondément humaine, mais je dirai que notre foi chrétienne vient renforcer cette nécessité humaine de se sentir responsable de son frère. Car, indépendamment d’une morale, il en va de notre salut ou, si vous préférez, de notre destinée. Une fois encore, il faut bien comprendre que la question du salut n’a pas grand-chose à voir avec une récompense ou une punition, mais avec notre capacité à entrer dans la communion de tous les sauvés entre eux et avec Dieu. Si on le comprend ainsi, il devient évident qu’on ne peut pas s’imaginer travailler à son salut personnellement et individuellement sans porter le souci du salut de son frère ! Bref, on ne peut pas faire son salut tout seul, mais uniquement en travaillant sans cesse à cette communion des hommes entre eux et avec Dieu, et donc en dénonçant et luttant contre toute forme de péchés, collectifs ou individuels qui ne sont justement que des forces de division, de haine, d’individualisme entravant cette communion ! Se sentir responsable du péché de son frère, devient alors une nécessité !

Charité !

Juste une chose à ajouter ici, dont j’ai pu faire l’expérience dans la vie communautaire. Si la correction fraternelle n’est pas faite par amour du frère, mais uniquement pour soulager sa conscience, ou exprimer son désaccord, elle est nulle et non avenue. Je n’ai pas à dire ce que j’ai à dire pour me faire plaisir, ou soulager ma colère, mais uniquement pour aider mon frère ! Cela implique de prendre les moyens de dire ce que j’ai à dire de façon à ce que mon frère puisse l’entendre : choisir le moment propice, et non pas réagir sur le vif ; parfois utiliser l’humour ; ou encore faire appel à d’autres, comme nous y invite l’Évangile… Bref, solliciter mon intelligence et mon cœur pour pouvoir vraiment aider mon frère : c’est cela la correction fraternelle dans la charité !

Alors la correction fraternelle oui…

… si je suis fraternel, responsable et charitable !

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2 réponses à Correction fraternelle !

  1. Ginette Coulombe dit :

    Comme c’est beau de lire ces mots…cela me relance dans le but de la charité et non de reprocher à quiconque me semblerait ne pas marcher dans la bonne voie…surtout selon ma propre opinion. J’ai plus à accueillir mon frère qu’à lui faire des reproches au nom du bien et du mal…Lui permettre de s’ouvrir à moi pour l’aider et guider ses pas vers le meilleur pour lui. Apporter de la lumière dans sa vie à saveur d’évangile…donc l’aimer! Cela ne veut pas dire être d’accord…si mon frère s’ouvre à moi c’est qu’il a confiance alors je pourrai peut-être l’éclairer etc…être frère et marcher ensemble les pieds sur terre un jour à la fois en acceptant nos forces et nos faiblesses.

  2. Thérèse L.-Vézina dit :

    La mention d’une expérience puisée dans la vie communautaire du P.Bigard m’a interpellée et éclairée sur une relation personnelle.
    Voilà que celle de Ginette C. m’a amenée à poser le geste fraternel qui tardait à venir de ma part.
    Merci pour cette lumière à saveur d’évangile ! TLV

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