12 octobre 2014, 28ème Dimanche année A, Mt 22,1-14 /
« Vous tous qui avez été baptisés en Christ, vous avez revêtu Christ. » (Ga 3,27) Voici la clef de lecture de la parabole du Royaume proposée à notre méditation ce dimanche. On nous y parle de noces, d’invités qui ne viennent pas, remplacés par le tout-venant et d’un homme, n’ayant pas revêtu le vêtement de noces qui est jeté, pieds et poings liés, au dehors dans les pleurs et les grincements de dents. Si on fait une lecture purement affective ou « psychologisante » de ce texte, on risque fort de qualifier le maître des noces de curieux personnage, qui force ses invités à venir, qui extermine ceux qui ont tué ses serviteurs, qui invite des vagabonds et s’étonne ensuite qu’ils ne portent pas de vêtement de noces… Sauf que ce texte ne nous parle pas d’une jolie fête de mariage, mais du drame qui se joue entre Dieu et l’humanité ! Du drame du peuple de l’Alliance qui ne reconnaît pas le temps de la venue du Messie tant attendu ! Et d’une nouvelle Alliance qui n’a rien à voir avec un salut automatique ! Comme pour chaque évangile demandons-nous où est la Bonne Nouvelle du texte ?
Un Dieu qui invite à temps et à contre temps !
D’abord ce texte, comme celui de la semaine passée avec l’image de la vigne, nous parle d’un Dieu qui invite à temps et à contre temps et qui ne ménage pas ses efforts pour nous offrir sa vie. Car de quoi s’agit-il dans cette invitation à des noces, sinon d’entrer dans la joie de Dieu ? Depuis le début du monde, Dieu, qui est à l’origine de toute vie, invite l’être humain à puiser en lui la vie dont il a besoin pour cheminer ici-bas. À se maintenir dans le projet de vie, d’alliance que le Seigneur a prévu pour nous dans sa grande bonté. Et pour faire connaître son amour et ce projet de vie, Dieu s’est choisi un peuple, le peuple d’Israël qui, à travers un long cheminement, va petit à petit découvrir un Dieu d’amour et affiner sa façon de vivre, jusqu’à être capable d’enfanter Marie, le fruit de ce long apprentissage, elle-même toute disponible à la grâce de Dieu et capable d’enfanter le Verbe de Dieu. Les obstacles n’ont pas manqué pour arriver jusque-là, mais, sans se lasser, Dieu a envoyé des prophètes, des sages, des guides, plus ou moins accueillis et parfois rejetés. Tirons une première leçon de cette histoire : l’ancien testament témoigne de cette persévérance de Dieu qui est toujours d’actualité. Sans se lasser le Seigneur propose à chacun de nous d’entrer dans son projet de vie, et il met sur notre route des grands frères, des sages, des prophètes pour nous y accompagner…
Un Dieu qui sait tirer du mal un plus grand bien !
Mais voilà, le drame c’est que le peuple d’Israël n’a pas reconnu le temps où il fut visité (cf. Lc 19,44). Au moment de célébrer la noce, pourtant attendue et préparée depuis des siècles, le peuple d’Israël se dérobe… Alors le Seigneur invite d’autres personnes à son banquet, et le refus d’Israël accélère l’universalisation du projet de Dieu. Au lieu qu’Israël soit le relais de l’amour de Dieu pour tous les peuples : « En toi seront bénies toutes les familles de la terre » (Gn 12), c’est directement que la Nouvelle Alliance est scellée avec les païens. Et c’est ce que l’on constate dans la mission d’évangélisation des premières communautés chrétiennes. Quand Paul arrive dans une nouvelle ville, il se rend à la synagogue pour annoncer l’Évangile, quelques-uns l’écoutent, mais finalement le grand nombre le rejette et il se tourne vers les païens : « C’était à vous d’abord qu’il fallait annoncer la parole de Dieu. Puisque vous la repoussez et ne vous jugez pas dignes de la vie éternelle, eh bien! nous nous tournons vers les païens. » (Ac 13,46) Et c’est ainsi que nait le Nouveau Peuple de Dieu : le tout-venant, invité au banquet des noces. Deuxième leçon donc, le mal, le refus des hommes, ne font pas définitivement obstacle au projet de Dieu, mais étonnamment, Dieu tire de ce mal un plus grand bien.
Un Dieu qui ne s’arrête pas aux étiquettes !
Le dernier passage du texte nous surprend, avec cet invité jeté dehors… Il nous faut faire appel aux pères de l’Église pour voir dans ce vêtement des noces, le baptême en Jésus Christ. : « Vous tous qui avez été baptisés en Christ, vous avez revêtu Christ. » (Ga 3,27) Cela voudrait-il dire que seul les baptisés seraient sauvés ? Non ! Bien au contraire, mais plutôt, qu’étant baptisé ou pas, il nous faut revêtir le Christ. Et donc, même si le Seigneur invite largement, ce n’est qu’en laissant la vie du Christ irriguer notre propre vie que nous pouvons vraiment participer à la joie de Dieu. Il ne s’agit pas de mérites, mais de laisser la grâce de Dieu agir à travers-nous. Nos actes, nos paroles, notre façon de vivre peuvent soit attester que la vie du Christ se déploie à travers nous, soit, au contraire, contredire ce que nous prétendons être : des chrétiens. Ainsi ce n’est ni le titre de juif, ni le titre de chrétien qui nous permet de nous maintenir au banquet du Royaume, où nous sommes tous conviés, mais uniquement une vie revêtue de la vie même du Christ ! Voici donc la troisième leçon à tirer : ne faisons pas de notre baptême un passeport magique vers le Salut, ni une prétention pour rejeter les non-chrétiens, mais cherchons toujours à conformer notre vie à celle du Christ, c’est-à-dire à revêtir le Christ et à découvrir chez nos frères non-chrétiens ceux qui vivent de cette vie du Christ sans nécessairement le savoir !
Dieu invite à temps et à contre temps,
Dieu sait tirer du mal un plus grand bien,
Dieu ne s’arrête pas aux étiquettes,
Mais trouvera-t-il en nous d’autres christs ?
Adveniat Regnum Tuum !!!! Le plus noble des investissements est celui qu’on place en tout homme et tout l’homme!! Seigneur fasse que ton règne arrive en nous, pour que nous puissions par la suite l’étendre autour de nous!!
De la méditation de cette semaine, je retiens, entre autres, « […] cette persévérance de Dieu qui est toujours d’actualité. […] et il met sur notre route des grands frères, des sages, des prophètes pour nous y accompagner. »
De quoi à poursuivre ma relecture « Nouveaux mémoires intérieurs » de François Mauriac (1965), p. 214 :
« Ce que toutes les nations de la terre pressentent aujourd’hui, c’est que le pèlerinage du pape Paul VI à Jérusalem donne le signal, par delà toute race et toute confession, au premier rassemblement de la famille humaine. »