Jour des morts ou des « très-vivants » ?

2 novembre 202novembre14, Commémoration de tous les fidèles défunts, année A, Lc 12,35-38.40 /

     Dans la tradition monastique, on avait l’habitude d’avoir un crâne sur son bureau afin d’orienter ses pensées vers les « fins dernières » et ne jamais oublier que sa vie sur terre n’est qu’un bref pèlerinage en vue de sa véritable demeure en Dieu. Cela  me rappelle également cette inscription que l’on trouve à l’entrée de certains ossuaires ou cimetières : « Ce que vous êtes, nous l’avons été… Ce que nous sommes, vous le serez ! » Alors, faut-il vivre en pensant sans cesse à sa mort ? En chassant, au contraire, toute pensée relative à la mort ? Ou encore, en apprivoisant, petit à petit, ce chemin inéluctable ? Ce jour du 2 novembre, où la liturgie nous invite à faire mémoire de ceux qui nous ont précédés, nous renvoie, en tout cas, à notre propre mort ! Mais peut-être posons-nous mal la question ? Notre vocabulaire habituel ne nous trompe-t-il pas ? Car mourir, finalement, n’est qu’un moment très bref de notre parcours. Le substantif : le mort -celui qui meurt-, ne devrait qualifier que celui qui est en train de faire son passage. Car, de deux choses l’une : soit il n’y a rien après la mort et donc les morts n’existent pas ! Soit il y a une autre forme de vie après la mort et alors il n’y a plus de morts mais des vivants, ou si vous préférez des « très-vivants » ! Dans les deux cas, les morts n’existent pas !

Une destinée divine !

     Plusieurs de nos contemporains pensent que les hommes ont inventé Dieu, pour répondre à leurs angoisses face à la mort et s’imaginer, ainsi, une vie après la mort. J’aime bien la réponse d’Adolphe Gesché à cette idée fausse, fort répandue. Dans la tradition judéo-chrétienne, la relation à un Dieu qui interagit avec son peuple, est bien antérieure à la foi en la résurrection des morts. Celle-ci en effet ne date que du troisième siècle avant Jésus Christ, alors que la libération d’Egypte date du treizième siècle avant Jésus Christ ! Nous avons d’ailleurs la trace de ce débat tardif (entre saducéens et pharisiens), sur la foi ou la non-foi en la résurrection des morts, dans les évangiles. Historiquement c’est, au contraire, l’approfondissement de la connaissance du Dieu d’amour qui permit de comprendre la destinée divine de l’homme… Comme le formule le livre de la Sagesse (une des premières lectures proposées pour ce dimanche) que l’on date, justement, du premier siècle avant Jésus Christ : « Dieu a créé l’homme pour une existence impérissable, il a fait de lui une image de ce qu’il est en lui-même. » (Sg 2,23) C’est donc Dieu lui-même, par sa Parole, qui nous révèle cette destinée divine de l’homme ! Jésus Christ, la Parole de Dieu faite chair, confirmera bien sûr, à de multiples reprises, cette promesse, par exemple avec cette réponse aux Sadducéens : « Quant à dire que les morts doivent ressusciter, Moïse lui-même le fait comprendre dans le récit du buisson ardent, quand il appelle le Seigneur : le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac, le Dieu de Jacob. Il n’est pas le Dieu des morts, mais des vivants ; tous vivent en effet pour lui. » (Lc 20,37-38) Et dans les versions de Marc et Matthieu, Jésus conclut, envers ceux qui ne croient pas en la résurrection des morts : « Vous êtes complétement dans l’erreur ! »

Un renversement de perspective !

     Si nous croyons vraiment à cette destinée divine de l’homme, quel renversement de perspective ! Il ne s’agit plus de bien vivre ici-bas en se disant que, dans le doute, nous aurons au moins vécu une vie qui en valait la peine… Mais de prendre acte que notre vie ici-bas n’est qu’un tout petit bout de notre existence humaine ; et que, si nous nous sentons vivants ici-bas, dans cette vie pourtant pleine de fragilité et de limites, nous serons, a fortiori, des « très-vivants » suite à notre passage en Dieu ! C’est ce qu’exprime Paul, lorsqu’il nous parle du corps spirituel qui sera bien plus merveilleux que notre corps terrestre, de la même manière que l’arbre est incomparable avec la graine qui est morte pour l’engendrer. (cf. 1Co 15 ,35-58) De nombreux saints ont témoigné de cela, je pense par exemple à ces milliers de missionnaires  qui, à une époque, savaient que partir évangéliser certains pays c’était courir au martyre. Et pourtant, ils avaient soif de cet enfantement, comme le Christ lui-même : « Je dois recevoir un baptême, et comme il m’en coûte d’attendre qu’il soit accompli ! » (Lc 12,50) Nous en revenons au crâne posé sur le bureau de nos ancêtres dans la vie monastique !

Une vigilance de tout instant !

      « Restez en tenue de service, et gardez vos lampes allumées ! » (Lc 12,35) Pour revenir à la question de départ, faut-il vivre en ayant sans cesse devant nos yeux la perspective de la mort ? Si la mort évoque pour nous la souffrance et l’angoisse, certainement pas ! Mais, s’il s’agit de vivre sans cesse tendus vers ce surcroît de vie auquel nous sommes appelés, vers cette vie divinisée qui nous est promise, vers cette perspective de ne pas être simplement des vivants mais des « très-vivants » alors oui, ayons cette perspective sans cesse sous nos yeux, qui loin de nous faire fuir notre vie d’ici-bas, nous incitera toujours plus à la vivre à un degré plus intense, sans en gaspiller un instant !

Que ce 2 novembre soit un jour de communion

avec les « très-vivants » qui nous précèdent auprès de Dieu !

Afin de désirer, nous-mêmes, d’être déjà des « très-vivants » en attendant de les rejoindre !

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Une réponse à Jour des morts ou des « très-vivants » ?

  1. Thérèse L.-Vézina dit :

    « Désirer être déjà de très vivants ! »

    Oui à cette perspective !
    À la condition de remettre de l’huile et du génie dans notre lampe … TLV

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