23 novembre 2014, Christ Roi, année A, Mt 25,31-46 /
« Chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces petits qui sont mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait. » (Mt 25, 40) Je ne sais pas si vous réagissez comme moi, mais cela me pose toujours un problème, si l’on a besoin, pour aider une personne, de voir en lui un enfant de Dieu ou une figure du Christ. Ne peut-on pas aider quelqu’un, tout simplement, parce qu’il est un être humain, et en tant que tel, digne de respect ? Et allons même plus loin : ne peut-on pas respecter un animal, parce qu’en tant qu’animal, il est digne de considération, selon un degré qui lui est propre ? Finalement, ne peut-on pas respecter la Création pour elle-même, et pas simplement parce qu’en la respectant nous protégeons notre environnement de vie ? Beaucoup de non-croyants nous donnent des leçons sur le respect de l’être humain, de l’animal, de la Création, sans avoir besoin de faire référence à Dieu ! Quelle est donc, alors, la leçon de cette page d’évangile ?
Sortir de l’alternative punition ou récompense.
Le roi de la parabole nous dit-il : « Puisqu’en aidant les petits et les malheureux, c’est moi que vous avez aidé alors je vais vous récompenser… » et « puisqu’en refusant d’aider les petits et les malheureux, vous ne m’avez pas aidé, alors je vais vous punir… » ? Non, ce n’est pas cela qui nous est dit ! D’abord, rappelons-nous toujours qu’il s’agit d’une parabole, donc en partie correspondant à ce dont elle veut parler, mais aussi en partie en décalage : elle ne nous décrit pas Dieu tel qu’il est ! D’autre part, il faut avoir une compréhension toujours plus existentielle du jugement : « En aidant ces pauvres et ces petits, vous avez participé à déployer l’amour de Dieu dans le monde, à faire advenir le Royaume de Dieu, vous avez fait un pas de plus pour entrer dans la vie de Dieu, dans la logique de son Royaume, poursuivez donc la route et entrez pleinement dans ce Royaume. » : « Venez, les bénis de mon Père, recevez en héritage le Royaume préparé pour vous depuis la création du monde. »(Mt 25,34) Mais « en refusant d’aider vos frères dans le besoin, vous vous êtes éloignés de Dieu dans le pays de la dissemblance, vous n’avez pas participé à déployer son amour dans le monde, ni à faire advenir son Royaume, poursuivez donc votre logique et votre route loin de Dieu. » : « Allez-vous-en loin de moi, maudits, dans le feu éternel préparé pour le démon et ses anges. » (Mt 25, 41) Il n’est pas question ici d’une récompense ou d’une punition, mais de la logique de notre vie qui a des conséquences dès maintenant et jusque dans la vie éternelle…
Convertir nos motivations…
Si nous sommes bien conscients de cela, alors nous n’allons plus aider nos frères en vue d’une récompense, ni même parce qu’ils sont à l’image de Dieu, mais parce qu’ils sont aimables et méritent secours pour eux-mêmes, en tant qu’êtres humains. Ce qui me gêne dans tout cela c’est l’idée, finalement, que nous utiliserions les pauvres pour « gagner notre ciel »… Je me rappelle toujours cette réflexion choquante d’un de nos pères qui se plaignait de ne pas avoir assez de malades pour le groupe régional du Pèlerinage National à Lourdes, comparé au nombre d’hospitaliers disponibles dans la région. En résumé, il n’y avait pas assez de malades pour que chacun puisse faire sa bonne action ! En nous indiquant que la solidarité avec nos frères dans le besoin est le critère ultime pour entrer dans le Royaume, le Seigneur nous ramène toujours plus à la qualité humaine de notre vie : « ce ne sont pas vos prières, ni vos longues heures à la chapelle qui vous obtiendront le Royaume de Dieu. Ce ne sont pas, non plus, vos bonnes actions comptabilisées en vue d’une récompense, mais uniquement la qualité de votre amour : gratuit, généreux, désintéressé ! »
Se libérer d’une trop grande subjectivité…
J’évoquais plus haut que beaucoup de non-croyants manifestent un grand respect pour l’être humain, l’animal, la Création… Mais beaucoup d’autres sont loin d’être exemplaires… Et finalement il en va de même parmi les croyants ou les mal-croyants. Cette page d’évangile vient peut-être nous aider à sortir, alors, de notre trop grande subjectivité dans l’appréciation de la mesure de notre respect –respect du début de la vie, de la fin de la vie, de la personne handicapée… Est-ce à nous de déterminer quelle vie en vaut la peine ? La Parole de Dieu affirme de façon objective la dignité du plus petit des êtres humains, habité du souffle de Dieu ; elle affirme également, dans une moindre mesure, la dignité des animaux ; elle affirme enfin la dignité de la Création en attente de plénitude ! La parole de Dieu nous aide donc à nous décentrer de nous-mêmes. Je ne suis pas la référence ultime lorsqu’il s’agit d’apprécier la vie de mon frère, de l’autre être vivant, ou même de la Nature… Ils s’inscrivent dans le projet de Dieu de faire advenir « un monde nouveau, une terre nouvelle » (Ap 21,1) où tout être vivant sera mené à sa plénitude !
Ce n’est donc pas par crainte de Dieu que nous devons respecter la Vie,
Mais en sortant de l’alternative punition ou récompense,
En convertissant nos motivations au service des plus petits de nos frères
Et en nous libérant d’une trop grande subjectivité dans l’appréciation de la valeur d’une Vie !
Cher Fr. Benoît,
Je vous arrive directement de Québec Canada avec la neige que vous avez oubliée depuis longtemps…Je vous ai connu au Montmartre et je veux vous remercier pour les enrichissantes Homélies que vous nous procurées. J’habite dans une résidence pour personnes âgées ( 84 ans obligent) et j’attends toutes les semaines vos réflexions nourrissantes… toujours pratiques, collées à la nature humaine. Il n’est pas facile de se voir diminué un peu plus chaque jour…quand on a été active en pastorale toute sa vie. Maintenant, il me faut « pratiquer» ce que j’ai essayé d’enseigner !!! priez pour moi, s.v.p. afin que j’accueille la Volonté de Dieu….Bonne semaine
Frère Benoît,
Je tiens à vous dire combien votre homélie de ce dimanche me rejoint profondément…
Dans mon expérience de croyante, ce n’est pas si fréquent…. merci de contribuer à me faire avancer dans la foi… c’est si difficile, aujourd’hui, particulièrement au Québec….
Les effets de la prédication d’une retraite à des religieuses se retrouvent en partie chez une laïque dont la relecture des deux présents articles l’engage pour un bon moment de réflexion … Merci au prédicateur !