24 juillet 2016, 17e Dimanche ordinaire, année C, Lc 11,1-13 /
Plusieurs textes sur la prière sont proposés à notre méditation ce dimanche : d’abord la fameuse intercession d’Abraham en faveur de Sodome et Gomorrhe dans le livre de la Genèse puis l’enseignement, par Jésus à ses disciples, du « Notre Père » ; et enfin la petite parabole de l’ami opportun qui demande avec beaucoup de sans-gêne, en pleine nuit, du pain à son voisin. Spontanément on en déduit qu’il faudrait demander avec insistance auprès de Dieu pour obtenir ce que l’on désir… Cela me paraît être un beau contresens ! Regardons donc de plus près ces textes afin de convertir et évangéliser notre prière.
Une intercession vaine ?
Vous connaissez ce texte de l’intercession d’Abraham : « Vas-tu vraiment faire périr le juste avec le coupable ? Peut-être y a-t-il cinquante juste dans la ville. Vas-tu les faire périr ? » […] « Si je trouve cinquante juste dans Sodome, à cause d’eux je pardonnerai à toute la ville. » Et Abraham va continuer à marchander : 45 justes… 40… 30… 20… 10… Et la réponse du Seigneur est toujours la même, jusqu’à : « Pour dix je ne détruirai pas. » Et l’on en déduit qu’Abraham a fait une belle prière d’intercession, sauf qu’il est dommage que le découpage liturgique s’arrête-là, car la suite du texte nous révèle que : « Le soleil se levait sur le pays et Loth entrait à Soar, quand le Seigneur fit tomber du ciel sur Sodome et Gomorrhe une pluie de soufre et de feu. Dieu détruisit ces villes et toute la plaine, avec tous leurs habitants et toute la végétation. » (Gn 19,23-25) C’est-à-dire que l’intercession d’Abraham fut vaine ! Que nous apprends donc ce récit sur la prière : non pas que la prière consisterait à marchander avec un Dieu arbitraire dont il faudrait infléchir les décisions, mais que la prière d’intercession sert plutôt à faire nôtre la volonté de Dieu : « Si tu veux m’épargner cette épreuve, merci, mais sinon, donne-moi de la traverser avec confiance, amour et foi… »
Une intercession à réorienter…
La petite parabole sur l’ami opportun est semblable au récit d’Abraham… Voici quelqu’un qui vient importuner son voisin, en pleine nuit, pour obtenir du pain, avec cette conclusion : « même s’il ne se lève pas pour les donner par amitié, il se lèvera à cause du sans-gêne de cet ami, et il lui donnera tout ce qu’il lui faut. » (Lc 11,8) Donc on pourrait en conclure, là encore, qu’il faudrait demander avec insistance auprès de Dieu pour obtenir ce que l’on veut…. Sauf que… la suite du texte nous dit autre chose : « Si donc vous, qui êtes mauvais, vous savez donner de bonnes choses à vos enfants, combien plus le Père céleste donnera-t-il l’Esprit Saint à ceux qui le lui demandent ! » (Lc 11,13) Nous pouvons donc en tirer deux enseignements : Premièrement Jésus nous dit justement que Dieu n’est pas à l’image du voisin qui va donner ce qu’on lui demande pour ne plus être dérangé ; qu’il n’est même pas comme les pères et les mères d’ici-bas qui ne donneraient pas un scorpion à leur enfant qui leur demande un œuf ; qu’il n’est pas comme ces dieux païens auxquels on offrait de nombreux sacrifices (humains ou animaliers) pour obtenir quelque chose… Inutile donc d’insister comme s’il était sourd ou de marchander comme s’il s’agissait d’un boutiquier ! Le deuxième enseignement porte sur le contenu de la prière : « Combien plus le Père céleste donnera-t-il l’Esprit Saint à ceux qui le lui demandent ! » Voilà donc la demande à faire : se laisser habiter de plus en plus par l’Esprit Saint, dont on connait le fruit : « Amour, joie, paix, patience, bonté, bienveillance, foi, humilité et maîtrise de soi. » (Ga 5,22) Les biens passagers que l’on demande pour ici-bas sont bons, mais ils ne valent pas le bien durable que le Seigneur veut nous offrir et qui passera la mort.
Pourquoi la prière d’intercession ?
Pourquoi le Seigneur nous demande-t-il alors de prier avec insistance ? « Pourquoi Dieu fait-il cela, lui qui sait ce qui nous est nécessaire avant que nous le lui demandions ? Nous pourrions nous en inquiéter si nous ne comprenions pas que le Seigneur notre Dieu n’attend point que nous lui apprenions ce que nous voulons, car il ne l’ignore pas ; mais les prières excitent le désir par lequel nous pouvons recevoir ce que Dieu nous prépare, car ce que Dieu nous réserve est grand, et nous sommes petits et étroits pour le recevoir. » (St Augustin, Lettre à Proba sur la prière)… Il nous faut donc élargir notre cœur ! La prière d’intercession qui n’est pas la plus facile à évangéliser consistera donc :
– À accorder notre volonté à celle de Dieu : on prie Dieu non pas pour qu’il s’accorde à nous mais pour que nous nous accordions à lui. « Non pas ma volonté mais la tienne ! »
– À nous rapprocher de Dieu : il ne s’agit pas d’infléchir la volonté de Dieu, ou de l’informer… Comme le dit une des préfaces du missel : « Notre prière, notre louange, n’ajoute rien à ce que Tu es mais elle nous rapproche de Toi ! »
– À élargir notre cœur, ouvrir notre champ de conscience, nos champs d’intérêts aux dimensions du monde, c’est-à-dire aux dimensions du regard de Dieu sur le monde.
– À chercher notre façon de contribuer à la réalisation de ce que nous demandons… Comment prier pour la paix, alors que nous voulons acheter des produits au coup le plus bas, sachant très bien que nous engendrons ainsi injustice, donc pauvreté et sources de conflits et de guerre à l’autre bout de la planète… ?
– À prendre conscience que ce que nous accomplissons à notre niveau pour faire advenir le Royaume a des répercussions sur l’ensemble du Royaume de Dieu en devenir. (De façon directe ou par la communion des saints)
Ce n’est donc pas parce que l’on « prie », que l’on est chrétien…
La prière existe dans bien des religions et même chez certains agnostiques,
sur la base, souvent, de fausses images de Dieu.
Les textes de ce jour ne nous invitent-ils pas à
Évangéliser notre prière ?
Heureux celui qui cherche Dieu !
Que la religion aime avoir l’air compliqué ! Ou les religieux …?
Quand la vie est insupportable, les épreuves trop drues, tous ces trucs de bonne prière me paraissent bien loin d’une certaine réalité ; vrais mais considérablement intellectuels.
Comment voulez-vous que ma NATURE HUMAINE, ma faiblesse humaine, ne soit pas concentrée sur le mal qui m’assaille et mon pauvre petit cerveau envahi par mon assaillant. Que ma prière soit ceci et non cela. Que le but de ma prière soit ceci et non cela ? O mon Dieu, mon Dieu es-tu là ?
Depuis des lunes, je répète « fais Seigneur que je ne me sépare jamais de toi ». Mais quand le mal m’obsède ou m’envahit (cancer, inceste, persécutions, violence, oppression, perte d’un enfant, perte d’emploi , dépression, angoisse, etc,) ? Vous pouvez me dire quelle prière vient sur nos lèvres ?
» Élargir notre coeur » ; » évangéliser notre prière », sont de belles expressions mais, pour moi, c’est une préoccupation intellectuelle des beaux jeunes hommes, comme sur la photo ci-haut, forts et en santé qui ont un désir vaillant de servir l’Eglise. Mais quelle Eglise ? Celle des démunis, celle d’ouailles assaillis par les vicissitudes de la vie ?
Dieu est Amour, Il ne peut pas, ne pas être amour. Dieu lui-même doit trouver la religion des hommes bien compliquée ? Loin du cœur !
Quand je regarde certains bons parents, reconnaissant leurs faiblesses, leur amour pour leurs enfants n’est délogé par rien. Il est inconditionnel ! Imaginez l’amour de Dieu ? Le croyez-vous conditionnel au comment l’être aimé le prie, le supplie ou le harcèle. L’être aimé vit sa vie, honorablement ou non et devant les embûches et obstacles insupportables, si désir est manifesté, l’Amour l’entoure. Être empreint de cet Amour c’est se reposer sous son aile, être recouvert de son ombre et entouré de son bras. Croire que Dieu est amour, ce n’est pas une technique, c’est une manie. Heureux celui qui cherche Dieu ! La religion ça ne devrait pas être compliqué ! Il y aurait plus de compassion et de miséricorde. Evidemment rien n’empêche de se la compliquer.
Bonjour Michelle, toujours aussi catégorique… Ces beaux jeunes hommes, sans soucis comme tu dis, sont bien plus confrontés aux problèmes de la vie que beaucoup de monde : l’espérance de vie au Togo est de 56 ans… Le salaire minimum est de 53 € par mois, (pour les rares personnes qui ont un salaire )… Le taux de réussite au bac est en dessous des 50% ; La malaria fait toujours des ravages, sans parler des accident de la route (en raison de l’état des routes et des véhicules) … J’arrête-là cette liste…. C’est en étant justement tout à fait connecté avec les aléas et les misères de la vie que je parle d’évangéliser la prière… Car ce sont biens ces gens qui souffrent qui me disent « Dieu ne me répond pas » ou qui quittent l’Eglise catholique pour des « Eglises » plus efficaces dans la mouvement de la théologie de la prospérité qui promettent : santé, argent, succès ! Bref, rien d’intellectuel et de déconnecté de la misère des gens dans mes propos, contrairement à ce que pense une brave québécoise bien installée dans son confort…
Merci père Benoît pour ces précisions que je ne veux pas ignorer et j’y crois pertinemment. Où ai-je dit que vos frères étaient sans soucis. C’est qu’avec le temps, le langage utilisé dans les commentaires me parait plus souvent comme des formules. Ces jeunes hommes connaissent sûrement la souffrance mais le couvent ne les rend-il pas susceptibles d’apprendre de ces formules qui nous perdent dans notre contact avec notre Sauveur. Nous les ouailles ! Je vous parle de prière …! Relisez, vous verrez. Pourquoi serais-je en circonvolutions, poser des questions c’est évidemment demander des réponses, ce n’est pas catégorique, c’est clair et bien intentionné. Le fond de ma question est l’amour de Dieu versus notre prière, il n’est pas nécessaire de me qualifier »de brave québécoise installée dans son confort ». C’est quoi cette riposte ? Vous omettez <<Mais quand le mal m’obsède ou m’envahit (cancer, inceste, persécutions, violence, oppression, perte d’un enfant, perte d’emploi , dépression, angoisse, etc,) ? Vous pouvez me dire quelle prière vient sur nos lèvres ?
Père Benoît, je m'excuse si mon texte comportait quelques mots qui vous blessent mais à la relecture, je souhaite que vous y verrez bien autre chose. Il me semble avoir réduit mes interrogations à une comparaison sociale qui est loin de mes pensées et de ma réalité. Mais…