11 septembre 2016, 24e Dimanche ordinaire, année C, Lc 15,1-32 /
La liturgie de ce dimanche nous propose un long passage de l’évangile selon saint Luc. Un passage fondamental, central, unique pour la foi chrétienne, constitué de trois célèbres paraboles : la brebis perdue et retrouvée, la pièce d’argent perdue et retrouvée, le fils perdu et retrouvé ! Nous méditons souvent ces paraboles séparément, mais le fait de les méditer ensemble nous fait voir un point essentiel : l’être humain n’est ni une brebis, ni une pièce d’argent… Il est libre de partir et libre de revenir, et le Seigneur respecte infiniment cette liberté, c’est bien là toute la grandeur et toute la misère de l’homme !
Libre de partir…
La brebis s’était égarée, avançant de touffe d’herbe en touffe d’herbe, la voici tout d’un coup seule, et elle ne retrouve plus le reste du troupeau… La pièce d’argent, sans aucune autonomie de sa part, mais suite à une mauvaise manœuvre de la propriétaire, a roulé hors de la bourse sans que celle-ci s’en aperçoive, ou alors trop tard… Le jeune homme, lui, a bien médité son affaire et a pris librement toutes les dispositions pour quitter la maison familiale : il réclame sa part d’héritage, prend quelques jours pour rassembler tout son bien et prend la route vers un pays lointain… Le berger, s’il l’avait vu à temps, aurait évité à la brebis de s’égarer ; la femme si elle l’avait pu n’aurait pas égaré sa pièce d’argent ; mais le père, lui, en toute liberté, consent au départ de son fils, et lui remet sa part d’héritage sans poser de question -en tout cas d’après ce que nous en rapporte le texte-… Tous les parents du monde peuvent comprendre en partie l’attitude du père -sans forcément aller jusqu’à remettre la part d’héritage qui revient à leur enfant-… Ils savent qu’ils ne peuvent pas enfermer leur enfant indéfiniment dans la maison, et pour que celui-ci puisse devenir adulte, il a besoin de prendre sa liberté, faire ses expériences, et malgré toutes les angoisses que cela peut provoquer chez les parents, ils savent qu’ils doivent laisser leur enfant prendre son envol. Dieu, le Père, semble donc agir de la même manière envers nous, il ne peut nous obliger à rester dans sa demeure, ni nous restreindre dans notre liberté, malgré toutes les peines qu’il éprouve de voir ses enfants s’égarer…
« Impuissance » du Père…
Comparons encore nos trois paraboles : le berger, dès qu’il se rend compte de l’absence de sa brebis, délaisse les 99 autres, prend tous les risques nécessaires et se met à parcourir les valons et les recoins du terrain environnant pour retrouver sa brebis égarée… La femme, quant à elle, met la maison sans dessus dessous pour retrouver sa pièce égarée… Mais le Père, lui, ne poursuit pas son fils vers ce pays lointain. Certes il désire, d’un grand désir, que son fils lui revienne mais il ne peut que scruter l’horizon –« Comme il était encore loin, son père l’aperçut »- et attendre que celui-ci ait fait son propre chemin de prise de conscience qu’il serait mieux dans la maison de son père. Voici donc encore un enseignement pour nous : Notre Père et créateur, qui sait mieux que nous-mêmes ce qui est bon pour nous, ne peut cependant pas forcer nos choix. Et sa toute-puissance d’amour est limitée par notre propre liberté à accepter ou à refuser de vivre avec lui… Il ne peut nous forcer à l’aimer, sans quoi ce ne serait plus de l’amour !
Libre de revenir…
La dernière leçon essentielle, c’est que, bien souvent, nous pensons qu’il n’est plus possible de revenir sur le chemin de la foi, de la vie en Église, de la vie auprès de Dieu… Peut-être parce que nous nous sommes enfermés dans l’image que nous avons construite de nous-même, peut-être par honte ou par peur de reconnaître que nous nous sommes trompés, fourvoyés sur de mauvais chemins… Faut-il attendre d’être dans l’indigence la plus complète (comme le fils de la parabole) ? Faut-il attendre la mort d’un proche, la maladie, un accident, la vieillesse, pour se remettre face aux questions existentielles de la vie ? Faut-il avoir épuisé toutes les ressources de nos propres réflexions pour enfin nous mettre à l’écoute de Celui qui est venu nous révéler le sens de la vie et le chemin pour parvenir à la vie en plénitude ? Pourquoi se croire nécessairement trop loin de ces questions, trop loin de Dieu ? Nous sommes libres de revenir à la maison du Père…
Libre de partir…
Libre de revenir…
Qu’est-ce qui est bon pour moi dans l’étape de vie où j’en suis ?
Quant à moi, si un de nos fils, venait à nous demander sa part d’héritage, on lui dirait tout simplement Non. Tu veux partir, aucun problème; tu veux revenir, tu es toujours chez toi ici. Mais pour la part d’héritage, il me semble que c’est un peu tôt…Et cela nous prouve une fois de plus que la bonté de Dieu est bien supérieure à la nôtre, et sa logique est bien différente.