Entre deux mondes…

            Vous l’avez remarqué, je suis de plus en plus irrégulier dans ma lettre soi-disant hebdomadaire, mais cela vous permet, au moins, de ne pas être inondé par mes courriels… Ces dernières semaines c’est un déplacement à Lyon pour la première session de notre chapitre provincial qui est à l’origine de ce silence : programme bousculé avant de partir, temps bien rempli durant le séjour et réatterrissage dans mon coin du monde…

J’avoue qu’il ne m’est guère facile de passer d’un monde à l’autre, car c’est bien de cela qu’il s’agit. Je ne suis que dans ma sixième année au Togo et je comprends de mieux en mieux l’impossibilité pour d’anciens missionnaires de retrouver leurs marques dans leur pays d’origine.

            Pourquoi parler de deux mondes ? Sur le plan anecdotique on aime évoquer le choc climatique, ce n’est pas faux, je suis passé, les jours derniers, de 30° à -7°C, mais ça ce n’est pas vraiment un problème, le corps s’adapte et les vêtements nous y aident bien. La durée de lumière naturelle, réduite en cette fin novembre, était déjà un peu plus problématique (9h en France, 12h ici), mais j’ai eu la chance de journées ensoleillées durant mon séjour. Mais le choc des deux mondes se situe ailleurs : de mon coin de brousse sans électricité aux grandes villes de Lyon et de Paris, rien n’est comparable ; d’une connexion internet épisodique et hyper lente à une connexion haute vitesse disponible quasiment partout, avec des gens constamment le nez dans leur smartphone (mais cela vient aussi ici) cela n’a rien à voir ; des rues grouillantes d’Afrique, remplie de jeunesse et de vie aux rues vides de nos villes et villages, bétonnées, macadamisées et aseptisées, c’est bien différent. Mais tout ceci, se sont encore des différences superficielles…

Des différences plus profondes ont retenu mon attention :

– Le niveau de consommation et le coût de la vie sont incomparables (nous sommes, en Afrique aussi, dans une société de consommation, mais le manque de ressources freine cette consommation) :  repas excessifs et, particulièrement lors de notre chapitre provincial -style d’accueil hôtelier oblige- une nourriture foisonnante six fois par jour (petit déjeuner avec un choix immense, pause en milieu de matinée, repas de midi, pause en milieu d’après-midi, repas du soir, et encore grignotage à profusion avant le coucher), et de qualité bien-sûr !

– Une société froide et organisée où les distributeurs automatiques et tous les services rendus possibles par la technologie remplacent la relation humaine. « Ici, c’est le règne de l’électronique » disait un de nos jeunes frères africains découvrant l’Europe…

– Un style de vie religieuse façonné, souvent involontairement, par des types d’habitation, par des types d’insertions professionnelles, par un niveau de vie, qui m’interroge… Comment ce style de vie religieuse confortable et installée pourrait-il interpeller de jeunes occidentaux ?

– Comme religieux missionnaire, c’est aussi tout un décalage : ici je suis un vieux et respecté comme tel. Les jeunes frères s’empressent de rendre service à leurs frères aînés pour toutes sortes de petits détails du quotidien… Dans nos communautés en France, je suis plutôt du côté des jeunes, ou disons des moins jeunes, et nos communautés, comme la société dans laquelle elles sont insérées, sont marquées par l’individualisme. Heureusement que des frères d’autres nationalités apportent leur simplicité et leur serviabilité dans nos maisons.

Je pourrais multiplier les exemples, et je prends conscience qu’il n’est pas facile de nommer cette différence entre nos deux mondes, mais je vous assure qu’elle est bien réelle et qu’on ne passe pas aisément d’un monde à un autre…

La vie par ici

Les semaines passées furent donc marquées par la première session de notre chapitre provincial d’Europe, … Nous étions 70, élus et invités, religieux et laïcs, pour une semaine de travail et de partage sur les grands thèmes du moment : une enquête auprès des religieux de la province, la formation, l’alliance laïcs et religieux, l’Afrique de l’Ouest, l’Asie, la pastorale des jeunes et des vocations, « hommes de foi proposant la foi », « solidaires des pauvres », « hommes de communion », questions économiques, question de structures… Tout ceci sous le thème général « À vin nouveau, outres neuves ! » Ce n’était qu’une première étape de travail puisque celui-ci se poursuivra lors du chapitre général d’une part et lors de la seconde session de notre chapitre provincial qui se tiendra en juillet prochain… Affaire à suivre ! Vous pouvez lire des échos plus détaillés de notre assemblée, et retrouver de nombreuses photos, sur le site de la province, en cliquant ici !

 

L’autre évènement ce fut l’édition 2016 de la marche de la fraternité interreligieuse à Sokodé. Comme d’habitude elle a rassemblé plusieurs milliers d’élèves. Un beau succès malgré un agenda compliqué en raison du report de la rentrée scolaire : le temps de préparation fut court et plusieurs établissements avaient programmé des devoirs durant la matinée… Les élèves ont pu cependant se rattraper en participant à la seconde partie de la journée ! Voir des photos en cliquant ici !

 

Sur ces quelques nouvelles, bonne route vers Noël… Que votre attente soit active, confiante et engagée !

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1 réponse à Entre deux mondes…

  1. Raymonde Jobidon dit :

    Bonjour Benoit,
    Merci de nous faire nous questionner en même temps que toi. Cette fois-ci tu cherches à mettre le doigt sur ce qui fait la différence entre nos deux mondes. Pour ma part j’ajouterais à ta liste notre rapport au « temps ». Pour les africains le temps est une qualité, ils ne passent pas leur temps à courir. Pour nous occidentaux, le temps se calcule en quantité, donc nous manquons toujours de temps.
    Raymonde

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