Le chemin de la dissemblance ou de la ressemblance ?

5 mars 2017, 1er dimanche de Carême, Année A,  Mt 4,1-11 /

« De même que la faute commise par un seul a conduit tous les hommes à la condamnation, de même l’accomplissement de la justice par un seul a conduit tous les hommes à la justification qui donne la vie. »  (Romains 5,18) Les textes de ce jour abordent la vaste question du péché « originel » et de la rédemption… Elles sont si nombreuses les pages écrites sur ce thème et les idées fausses véhiculées dans l’inconscient collectif, qu’il semble impossible de revisiter cette question en quelques lignes… Mais essayons, au minimum, de donner quelques éclairages significatifs. Premièrement le péché originel n’est pas tant chronologique qu’existentiel… Deuxièmement il ne concerne pas tant la sexualité que le rapport à Dieu, le rapport à la Création, le rapport  à autrui (homme/femme ou fraternel)… Troisièmement Jésus déjoue les pièges de ce péché fondamental et nous ouvre le chemin du Salut…

Le péché originel n’est pas tant chronologique qu’existentiel…

Même si nous savons, en théorie, que le récit d’Adam et Ève est de type mythologique et non historique, nous avons du mal, bien souvent, à en tirer les conséquences. Que le récit soit de type mythologique signifie qu’à travers cette mise en scène, à la manière d’un conte, la Bible nous dit une parole de vérité qui ne porte pas sur le comment de la Création mais sur les questions existentielles liées aux origines de l’humanité : d’où venons-nous ? qui sommes-nous ? d’où vient le mal ? pourquoi la mort ? pourquoi la vie ? pourquoi l’homme et la femme ? etc… Cela signifie que ce texte ne nous parle pas d’un péché commis aux origines dont nous subirions les conséquences jusqu’à aujourd’hui, mais du péché fondamental qui marque la condition humaine de générations en générations. Ainsi, chaque génération est confrontée à la question d’une vie menée selon le projet de Dieu ou d’une vie menée contre le projet de Dieu. Ou, pour le dire encore autrement, jour après jour nous avons à apprendre à vivre de façon à avancer vers notre pleine humanité, en chemin de divinisation ; ou bien à prendre la voie inverse : celui d’une humanité défigurée, en chemin vers la dissemblance de Dieu… Chaque génération est tentée par ce chemin de la dissemblance et hérite aussi du chemin déjà parcouru par les générations passées, dans le bon sens ou dans le mauvais sens. C’est en cela qu’il y a aussi une transmission de ce péché fondamental…

Sur quoi porte le péché originel ?

            Il nous faut sortir des clichés véhiculés par l’inconscient collectif… Le péché originel n’a rien à voir avec la sexualité ! Il porte sur les quatre épreuves fondamentales de toute vie humaine : comment vivons-nous le rapport à Dieu, le rapport à la Création, le rapport homme-femme et le rapport aux autres… Le récit de la Genèse met en scène ces différentes épreuves qui se présentent à chaque être humain, et nous montre comment fonctionne le péché et quelles en sont les conséquences. Premièrement acceptons-nous de recevoir en abondance la vie de Dieu (cf. les nombreux arbres bons à manger) et de vivre en Alliance avec Lui, ou nous laisserons-nous tentés par les voix qui déforment son visage et font de lui un adversaire, un rival, un exploiteur ? Deuxièmement vivrons-nous le rapport à la Création en la gardant, en la cultivant, en en dominant le chaos ou en l’exploitant et l’asservissant sans respecter ses rythmes et ses équilibres ? Troisièmement vivrons-nous le rapport homme-femme sous le mode de la complémentarité, du respect de la différence, du secours mutuel ou sur le mode de la domination, de l’utilisation de l’autre, d’un amour possessif… ? Enfin, notre rapport à l’autre -développé dans la suite du récit avec Caïn et Abel-, est-il animé par la fraternité, le souci des autres êtres humains -nos frères-, ou par une vie autocentrée qui suppose que pour exister il faut supprimer l’autre ?

Jésus déjoue les pièges de ce péché fondamental et nous ouvre le chemin du Salut…

            Dans cette marche de l’humanité vers sa ressemblance divine, Jésus Christ marque, évidement, le tournant essentiel. En effet, en Jésus Christ l’homme réalise pleinement sa vocation d’une vie humaine selon la volonté de Dieu, d’une vie humaine « divinisable » et donc libérée de l’emprise du péché et de la mort. Bien sûr cela va se jouer tout au long de la vie de Jésus de Nazareth, mais déjà dans le récit des tentations le chemin est tracé : Jésus ne fera jamais de son Père un rival, Jésus ne cherchera jamais à faire sa propre volonté, Jésus n’exploitera pas la Création à ses propres fins (faims), Jésus ne se détournera pas de sa condition humaine, ,Jésus ne prendra pas le chemin de la dissemblance en adorant d’autres dieux… Le rapport homme-femme et le rapport à autrui ne sont pas encore présents dans ce récit mais viendront plus tard au cours des évangiles avec une relation aux femmes jamais équivoque, mais toujours respectueuse et libérante, d’une part, et un rapport à autrui toujours marqué par la fraternité, la solidarité, la libération, la guérison, la miséricorde… Ainsi Jésus, qui aime chacun d’entre nous et nous rend capable de vivre à sa ressemblance, nous ouvre-t-il le chemin de la résistance aux tentations fondamentales du « péché originel ». Il a ouvert la voie d’une vie humaine « divinisable » et, comme un premier de cordée, cherche à nous entraîner à sa suite.

En ce temps de carême :

Résisterons-nous aux tentations communes à chaque génération ?

Progresserons-nous dans notre rapport à Dieu, à la Création, à autrui ?

Nous laisserons-nous entraîner par le Christ à sa suite ?

Bref, prendrons-nous le chemin de la dissemblance ou celui de la ressemblance ?

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