L’âme en question…

Je reproduits ci-dessous un échange (entre Monique et moi), qui prit naissance à partir d’une réflexion sur « les âmes du purgatoire »… Il en va en fait de l’âme, de l’être, de la personne

Pour une invitation adressée à celles et ceux, et  d’abord à moi-même, qui voudraient poursuivre l’échange…

Monique :

Objet : L’âme en question

Ne diriez-vous pas :

1. que quelque chose « irradie » d’une icône ?

2. que le Concerti Grossi de Corelli a une âme ?

3. que son âme est différente du Concerto en G pour viole de Téléman ?

4. que la flûte à bec a une âme particulière, une « âme » qui est une sorte de « chose » différente du bois dans lequel la flûte réside ?

5. que quand deux personnes se réunissent pour faire de la musique, ils sont alors trois : les deux amis et la musique ?

6. que cette musique n’a pas moins d’être que les deux amis qui sont là ?

Question : quel est l’être de l’« âme » ?

Remarque : la question des « âmes du purgatoire » n’est pas tant de savoir ce qu’est l’âme que de savoir ce qu’est le purgatoire, non ? Pour l’âme, on sait ce que c’est – même si on ne peut s’en faire une représentation ou une image -, mais s’agissant du purgatoire, tout ce qu’on a ce sont des mots et les mots, comme dirait votre maître, Augustin, n’enseignent pas (De Magistro) !

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11 réponses à L’âme en question…

  1. Frère Benoît dit :

    Bonjour Monique,

    Merci pour cette contribution à ma réflexion…
    Mon problème ce n’est ni le purgatoire (qui veut dire purification pour passer de notre niveau d’être au niveau d’être du divin)… Ni l’existence de l’âme (quoique) mais sa supposée immortalité… – ou plutôt la façon dont cette immortalité est habituellement envisagée – Car si l’âme est en soi immortelle, il n’y a plus besoin de résurrection ! D’ailleurs toutes les « âmes » évoquées ci-dessous sont de l’ordre de l’éphémère me semble-t-il…

    Par exemple dans l’évangile de ce jour voici ce qui nous est dit :
    Laissant la foule, Jésus vint à la maison. Ses disciples s’approchèrent et lui dirent : « Explique-nous clairement la parabole de l’ivraie dans le champ. » Il leur répondit : « Celui qui sème le bon grain, c’est le Fils de l’homme ; le champ, c’est le monde ; le bon grain, ce sont les fils du Royaume ; l’ivraie, ce sont les fils du Mauvais ; l’ennemi qui l’a semée, c’est le démon ; la moisson, c’est la fin du monde ; les moissonneurs, ce sont les anges. De même que l’on enlève l’ivraie pour la jeter au feu, ainsi en sera-t-il à la fin du monde. Le Fils de l’homme enverra ses anges, et ils enlèveront de son Royaume tous ceux qui font tomber les autres et ceux qui commettent le mal, et ils les jetteront dans la fournaise : là il y aura des pleurs et des grincements de dents. Alors les justes resplendiront comme le soleil dans le royaume de leur Père. Celui qui a des oreilles, qu’il entende ! »

    Jésus ne parle donc pas de l’âme des justes ou de l’âme des méchants… Mais de ces personnes unifiées : Corps, Intellect, Esprit c’est-à-dire Chair au sens où nous l’avions évoqué

    Car

    1. que quelque chose « irradie » d’une icône ?

    Oui mais si il n’y a pas d’icône rien n’irradie…

    2. que le Concerti Grossi de Corelli a une âme ?

    Oui mais si il n’y a pas d’orchestre pour transmettre cette musique elle n’a pas d’âme… D’ailleurs un mauvais orchestre, un mauvais chef ne peuvent pas donner chair à cette supposée âme

    3. que son âme est différente du Concerto en G pour viole de Téléman ?

    Idem

    4. que la flûte à bec a une âme particulière, une « âme » qui est une sorte de « chose » différente du bois dans lequel la flûte réside ?

    Différent mais pas indépendant… Car effectivement une flûte en plastique ne sonne pas comme une flûte en noyer

    5. que quand deux personnes se réunissent pour faire de la musique, ils sont alors trois : les deux amis et la musique ?

    Oui mais s’il n’y a pas d’amis pour se réunir où est la musique ?

    6. que cette musique n’a pas moins d’être que les deux amis qui sont là ?

    Idem

    Je préférerais donc, de loin, parler dans tous ces cas de chair au sens de ce qui donne chair, épaisseur à une vie, plutôt que d’âme, par trop éthérée…

    Est-ce que cela a du sens ?
    Benoît

  2. Monique dit :

    … Vous partez solide ! Voyons voir si ce que je vous dis fera sens :

    Car

    1. que quelque chose « irradie » d’une icône ? Oui mais si il n’y a pas d’icône rien n’irradie…

    Bien sûr que non. De même si vous n’existiez pas, votre âme non plus n’existerait pas. Mais vous existez, et vous « irradiez », vous « impactez », vous pensez, imaginez, aimez… Donc…

    2. que le Concerti Grossi de Corelli a une âme ? Oui mais si il n’y a pas d’orchestre pour transmettre cette musique elle n’a pas d’âme…

    C’est le drame du manque de maîtres en éducation, par exemple. Ça prend un maître pour faire vibrer cette « musique » dans un être potentiellement « musical ». D’ailleurs un mauvais orchestre, un mauvais chef ne peuvent pas donner chair à cette supposée âme Je dirais un mauvais orchestre, un mauvais chef n’ont pas assez d’âme eux-mêmes pour donner la vie à une musique. En somme, il n’y aura pas de musique du tout. La vie réside dans un être organisé, ordonné (ayant la vie en puissance) ; or un mauvais orchestre et un mauvais chef ne créent pas d’ordre. Donc…

    3. que son âme est différente du Concerto en G pour viole de Téléman ? Idem

    re-idem, en effet.

    4. que la flûte à bec a une âme particulière, une « âme » qui est une sorte de « chose » différente du bois dans lequel la flûte réside ? Différent mais pas indépendant…

    Non, pas indépendant car alors, ce serait postuler la dualité corps-âme. Or cette dualité, même si elle a fait fortune, depuis le père Descartes, entre autres, et continue de le faire, ne résiste pas à l’analyse rigoureuse : il faudrait parler alors d’une troisième partie : la colle qui unit les deux, il faudrait convaincre que quelque chose de spirituel puisse habiter dans quelque chose de simplement matériel et ne pas s’en échapper (re. Mathilde et le fantôme).

    Car effectivement une flûte en plastique ne sonne pas comme une flûte en noyer

    Vous avez raison, et cet homme-ci ne « sonne » pas comme cet homme-là, non plus, même s’ils sont tous les deux des hommes.

    5. que quand deux personnes se réunissent pour faire de la musique, ils sont alors trois : les deux amis et la musique ? Oui mais s’il n’y a pas d’amis pour ce réunir où est la musique ?

    V. la réponse au point # 1. Vous posez une belle question ici : « où » est la musique quand personne ne la fait venir ? C’est toute la question des universaux, ou des êtres spirituels, éternels, abstraits, etc.: où est l’amour ? où est le vrai ? où réside la forme lit qui permet de faire ce lit-ci ? Platon s’est risqué à les prétendre séparés – il ne voyait pas comment les expliquer autrement même s’il a été insatisfait de cette première tentative ; mais Aristote qui a poursuivi la recherche est arrivé à bien meilleur.

    6. que cette musique n’a pas moins d’être que les deux amis qui sont là ? Idem

    Non pas idem ici car il est question de si les amis, en effet, font de la musique. S’ils font de la musique, la musique sst là avec eux, donc ils sont trois. La musique n’aurait-elle pas d’être concret ? Pourtant on l’entend, on la ressent, on la reprend, on s’en souvient, on l’aime ou on la déteste, elle nous rend triste ou joyeux, elle nous rappelle des lieux, des événements, des gens, elle accompagné votre enfance, votre voyage, etc… Rien de tout ça n’est abstrait… ni « éthéré ». Si elle irradie quand elle est là, si elle « impacte » , si elle agit, etc., elle a donc une âme ! (Ne criez pas ! !)

    Je préférerais donc, de loin, parler dans tous ces cas de chair plutôt que d’âme, par trop éthérée…

    Vous n’avez pas tout à fait tort et c’est vrai que cette « âme » telle qu’on se la transbahute depuis notre enfance fait pas mal « éthérée ». Moi, c’est ça qui m’énerve : ce côté « petite fumée » de cette chose merveilleuse qui est en nous – qui est nous !

    Est-ce que cela a du sens ? Quant à l’immortalité, nous en reparlerons, si vous voulez. Un gros BRAVO pour votre travail (ou votre cerveau, comme vous disiez l’autre jour !) Mille mercis. Dites-moi toutefois si ce que je viens de dire a quelque chance de tenir la route…
    Monique

    • Frère Benoît dit :

      Bonjour Monique,

      Merci pour la réponse, nous sommes certainement proche… Par exemple :

      Vous n’avez pas tout à fait tort et c’est vrai que cette « âme » telle qu’on se la transbahute depuis notre enfance fait pas mal « éthérée ». Moi, c’est ça qui m’énerve : ce côté « petite fumée » de cette chose merveilleuse qui est en nous – qui est nous !

      Mais j’aimerais creuser encore un peu…

      Dans les exemples précédents, nous étions surtout du côté des émetteurs : l’icône, l’orchestre, la flûte, les musiciens, et notre corps qui donne existence à une âme…

      cf 1. Si il n’y a pas d’icône rien n’irradie… Bien sûr que non. De même si vous n’existiez pas, votre âme non plus n’existerait pas. Mais vous existez, et vous « irradiez », vous « impactez », vous pensez, imaginez, aimez… Donc…

      Mais attardons-nous du côté des récepteurs

      Je les mettrais en deux catégories :
      Des récepteurs directs :
      – Si il n’y a personne pour regarder l’icône, est-ce qu’elle irradie quelque chose ?
      – Ou encore si celui qui observe l’icône, n’est pas du tout sensible, ou formé à cet art, (ou s’il n’a pas l’âme pour voir au-delà du bois peint) est-ce que l’icône irradie toujours ?
      Je crois qu’on est du côté de l’existentialisme…

      Des récepteurs indirects :
      – Par exemple

      on se souvient de telle ou telle musique

      Mais si personne ne se souvient de la Toccata en ré mineur de Bach a-t-elle une âme ? Car l’âme dont vous parler semble plutôt être l’effet de cette musique chez un récepteur :

      Pourtant on l’entend, on la ressent, on la reprend, on s’en souvient, on l’aime ou on la déteste, elle nous rend triste ou joyeux, elle nous rappelle des lieux, des événements, des gens, elle accompagné votre enfance, votre voyage, etc… Rien de tout ça n’est abstrait… ni « éthéré ». Si elle irradie quand elle est là, si elle « impacte » , si elle agit, etc., elle a donc une âme !

      J’en reviens donc à notre âme et à l’inconsistance de celle-ci…

      Admettons que :

      puisque j’existe, que « j’irradie » quelque chose, que j’ « impacte »… J’ai une âme, qui est « plus grande » que mon corps…

      Bien ! Mais lorsque mon corps disparaît, c’est-à-dire lorsqu’il n’y a plus d’émetteur, où peut exister cette âme, si ce n’est dans la mémoire, dans l’effet produit chez un récepteur ?… D’ailleurs de nombreuses personnes qui ne croient pas en Dieu disent cela à leurs enfants… Grand-mère n’est pas disparue elle existe dans ton cœur… C’est loin d’être faux…
      En tant que chrétien, je prétends que ce que j’ai été, même si plus personne après quelques générations ne se souviendra de moi, demeure dans la mémoire de Dieu… Pour mieux le dire encore avec les mots de St Paul (cf. dimanche prochain) : « En effet vous êtes morts avec le Christ, et votre vie reste cachée avec lui en Dieu. Quand le Christ, votre vie, paraîtra, alors vous aussi, vous paraîtrez avec lui en pleine gloire. » Rm 3,3

      Ce n’est donc pas une âme immortelle qui se déplace d’ici à Dieu… C’est ce que j’ai été, mon être (corps, intellect, esprit… chair) , qui, recueilli en Dieu (dans sa mémoire ? Dans son cœur ?) va être re – suscité dans un « homme nouveau » (corps, intellect, esprit… chair)… On pourrait aussi élargir les récepteurs à l’ensemble des êtres qui sont déjà en Dieu…

      Donc oui la substantifique moelle de notre être, que vous appelez âme, ne disparaît pas, avec notre mort… Mais elle n’a d’existence qu’à travers un émetteur ou un récepteur… Voilà pourquoi je préfère ne pas parler d’âme qui sous entend ce petit fantôme immortel qui se promène… Mais d’être charnel, d’être, de chair, de personne…

      Je crois donc que nous sommes assez proches sur le fond…

      En guise de conclusion voici l’icône de la Dormition de la Vierge :

      Icone de la Dormition

      Quelle belle âme !(celle de Marie recueillie par le Christ)

      À suivre,
      Benoît

      • Monique dit :

        Mais j’aimerais creuser encore un peu…

        Grand merci, moi aussi.

        Dans les exemples précédents, nous étions surtout du côté des émetteurs : l’icône, l’orchestre, la flûte, les musiciens, et notre corps qui donne existence à une âme… cf 1. Si il n’y a pas d’icône rien n’irradie… Bien sûr que non. De même si vous n’existiez pas, votre âme non plus n’existerait pas. Mais vous existez, et vous « irradiez », vous « impactez », vous pensez, imaginez, aimez… Donc…

        Je crois qu’on pourrait avantageusement dire qu’il s’agit ici du phénomène de la sensation. Quelque chose demande à être senti – c’est dans le vocabulaire classique, le sensible. On pourrait dire que ce quelque chose est « sensable ». C’est l’émetteur « potentiel ». Potentiel parce que comme vous le dites :

        Si il n’y a pas d’icône rien n’irradie….

        Mais potentiel aussi parce que, en effet, s’il n’y a pas de récepteur, il n’y a rien, i.e. il n’y a pas de perception, ni de perçu. Le récepteur est donc essentiel. lui aussi, dans le phénomène de la sensation. Ce récepteur, chez l’animal, c’est le « sens ».

        Je crois qu’on est du côté de l’existentialisme…

        Déjà les gros mots… ! !

        Laissez-moi ramasser ce que vous venez de dire justement en une sorte de synthèse mathématique et dites-moi si je vous trahis :

        Mathématiquement :
        S’il n’y a rien, alors il n’y a pas de perceptible
        S’il n’y a pas de perceptible (ou de sensible, sensable), alors il n’y aura pas sensation
        S’il y a quelque chose, alors il y a possibilité de perception (possibilité seulement)
        S’y n’y a pas de récepteur, alors, il n’y a pas de sensation effective, la possibilité reste vaine
        S’il y a un récepteur et que ce récepteur rencontre l’émetteur dans de bonnes conditions, alors il y a sensation. Autrement dit, il y a quelque chose qui apparaît. Qui est perçu. Une couleur, un son, une odeur, etc., mais aussi une tristesse, une peur, une atmosphère, et parfois, une âme…

        J’en reviens donc à notre âme et à l’inconsistance de celle-ci…

        Tout ce que je viens de dire a de la consistance, non ? Le rouge, l’aigu, la tristesse, l’atmosphère… ; pourquoi serions-nous justifiés de dire que l’âme serait quelque chose d’inconsistant ? Bon, ce sont des choses qui n’ont pas d’étendue, mais elles sont réelles, elles ont un impact, etc. Et l’âme, pourquoi serait-elle privée d’être ? Privée d’étendue, o.k., mais d’être ? La question est : quelle sorte d’être a-t-elle ? Le rouge n’a pas la même sorte d’être qu’un souvenir ; quelle sorte d’être a-t-il ?

        … Grand-mère n’est pas disparue elle existe dans ton cœur… C’est loin d’être faux…

        En effet !

        Ce n’est donc pas une âme immortelle qui se déplace d’ici à Dieu… C’est ce que j’ai été, mon être (corps, intellect, esprit… chair

        bref l’âme, peut-être !

        , qui, recueilli en Dieu (dans sa mémoire ? Dans son cœur ?) va être re – suscité dans un « homme nouveau »(corps, intellect, esprit… chair)…

        Voilà pourquoi je préfère ne pas parler d’âme qui sous entend ce petit fantôme immortel qui se promène… Mais d’être charnel, d’être, de chair, de personne…

        J’aime bien vous lire, vous êtes rigoureux ! En fait, il y aurait, je crois, une petite nuance à apporter pour commencer à comprendre que quelque chose de nous, quelque chose de ces « corps, intellect, esprit… chair » est immortel alors que le corps en tant que corps se dissoudra.
        Monique

  3. Monique dit :

    Poursuivons, si vous voulez. L’enjeu est grave… l’âme, c’est pas rien ! De plus, ce que l’homme veut et cherche, à l’encontre de l’animal, c’est le vrai. Progressons-nous ? Voyons voir..

    Hier : analogie sensible-sens et émetteur-récepteur.

    Difficultés :
    1. comment s’effectue la « traversée » extérieur→intérieur ? ou intérieur→extérieur ? La limite peut-elle être franchie ?
    2. rencontre alors significative ? Fusionnent-ils ?
    3. alors ?
    4. comment s’appelle ce lieu de la fusion, ce lieu où est re-créé, ou créé tout court, quelque chose d’autre : ce rouge-ci, cette tristesse, cette idée, etc.

    5. et puis : comment ?

    En alimentation, on dit «métabolisme » mais…
    … qui expliquera comment la pomme que je mange devient moi ?
    … qui expliquera que le gâteau n’est pas de la farine chaude, de l’œuf chaud, du sucre chaud mais tout autre chose ? Un être nouveau ayant ses qualités propres : une douceur, une légèreté, un « Umph ! ».
    6. et si un gâteau n’a pas de douceur, de légèreté ni surtout de « Umph ! », est-il un gâteau ?

    Notre âme est d’une qualité différente et c’est ça qu’on cherche – avec des détours prudents (!). L’âme de ce gâteau disparaîtra avec lui, ou restera, comme vous le disiez, dans une mémoire (n’allons pas à Dieu tout de suite, dirait Augustin). Mais quand cette mémoire à son tour s’éteindra, avec moi, par exemple, l’âme de ce gâteau sera disparue à jamais…

    Comment, alors, pouvons-nous affirmer (et même désirer) l’immortalité de l’âme, de notre âme ? That’s the question !

    En fait, la notion d’âme, elle, ne périt pas, elle a l’être de la vérité. Mais la mienne, la vôtre, nos âmes « personnelles », singulières et non universelles, comment pouvons-nous dire qu’elles sont immortelles.

    La question est belle, vous ne trouvez pas ?

    P.S. Si ça se trouve, P. Benoît, nous nous retrouverons coincés dans un nouveau « purgatoire » où les questions nous serviront de tourments !

    • Frère Benoît dit :

      Merci Monique,
      Je ne suis pas sûr d’avoir tout compris…

      Mais, je ne peux m’empêcher de répondre en termes chrétiens…

      Vous évoquez l’alimentation, et le métabolisme qui assimile… Or comme par hasard, le sacrement qui nous permet de devenir membre du Christ est un repas… L’eucharistie…

      Vous évoquez une rencontre, de l’ordre de la fusion ? Or comme par hasard, nous parlons de communion d’êtres… Et d’un Dieu trinitaire… où les personnes ne sont pas fusionnées…

      Vous évoquez le lieu, l’Ancien Testament parle du sein d’Abraham, où les êtres sont rassemblées comme sur cette représentation :
      Dans le sein d'Abraham

      On dirait aujourd’hui dans le cœur de Dieu…

      Enfin, vous dites :

      L’âme de ce gâteau disparaîtra avec lui, ou restera, comme vous le disiez, dans une mémoire (n’allons pas à Dieu tout de suite, dirait Augustin). Mais quand cette mémoire à son tour s’éteindra, avec moi, par exemple, l’âme de ce gâteau sera disparue à jamais…

      Oui bien sûr si l’on exclut Dieu, l’âme de ce gâteau disparaît… C’est bien ce que j’essaie de dire depuis le départ… Qu’il n’y a pas d’immortalité de l’âme si ce n’est dans la mémoire de Dieu, dans le cœur de Dieu, qui est ne l’oublions pas la source de l’Être… Elle existe donc en Dieu, au même titre que nous existons aujourd’hui en Dieu ! Et c’est là que ce situe l’immortalité de notre être.

      À plus,
      Benoît

  4. Monique dit :

    Première preuve de l’immortalité de l’âme ; une de celles que l’on retrouve chez Platon. C’est une preuve tout à fait, et uniquement, rationnelle mais dont le lieu de vérification est l’expérience de tous et de chacun. Vous pourrez apporter des objections, souligner sa ou ses faiblesses, mais pouvez-vous la contredire et la réfuter ?

    Ça va comme suit :

    A. La seule cause qui peut détruire quelque chose, est son propre mal.

    Il faut aussi concéder que le mal de l’âme est pire que la mort du corps. Les maux propres de l’âme sont l’ignorance, l’intempérance, l’injustice, la peur et le reste… Or une âme qui souffre de ces maux n’est pas détruite par eux. Ils soutiennent même sa partie irrationnelle alors que la partie rationnelle persiste à vivre en même temps. Loin d’affaiblir l’âme ces maux la stimulent et la poussent à l’action.

    B. Or ce qui ne peut être détruit par son propre mal est indestructible.
    C. Il s’ensuit que l’âme est indestructible.

    Je ne vous oblige pas aux deux autres en même temps, je vous ménage ! ! !

  5. Monique dit :

    Après tout ce temps…

    Prenons, si vous voulez, un autre point de départ – nos maîtres grecs ont l’habitude de prendre ainsi plusieurs points de départ. Jusqu’ici, nous avons creusé une avenue, creusons-en une autre et cela jusqu’à ce que « soudain jaillisse la lumière … peut-être ». Je n’irai pas loin là-dessus maintenant mais je voudrais seulement planter le décor. La question reste : si l’âme est immortelle, pourquoi la ressusciter, pourquoi parler de résurrection ? Cette notion de résurrection qui se trouve comme une énigme au cœur du christianisme contient dans sa formulation la clé de sa compréhension, ou du moins la piste par où devra passer notre recherche. Il y a d’abord la formule : « le Verbe de Dieu s’est fait chair », puis celle-ci « Je crois à la résurrection de la chair… ». Peut-être pouvons-nous accepter dans la première formule le fait que Dieu s’est fait homme comme nous. On ne le comprend pas mais on l’accepte, on le croit. Mais si cela veut dire ce que ça dit dans la lettre, alors la définition de l’homme vient de changer : l’homme est une chair, ou a une chair – quoique cette dernière manière de dire ne convient pas parce qu’il est dit « le Verbe s’est fait chair ». Et c’est en se faisant chair qu’il s’est fait homme ; donc, l’homme est chair. J’ai la nette impression qu’en tentant d’élucider ce que veut dire « chair » on trouvera une notion homme plus perfectionnée qu’« animal raisonnable », donc une notion de personne et donc une clarification d’une notion d’âme. Êtes-vous d’accord avec ma proposition ?

    • Monique dit :

      Lu : « [Swann] savait que le souvenir même du piano faussait encore le plan dans lequel il voyait les choses de la musique, que le champ ouvert au musicien n’est pas un clavier mesquin de sept notes, mais un clavier incommensurable, encore presque tout entier inconnu, où seulement çà et là, séparées par d’épaisses ténèbres inexplorées, quelques-unes des millions de touches de tendresse, de passion, de courage, de sérénité, qui le composent, chacune aussi différente des autres qu’un univers d’un autre univers, ont été découvertes par quelques grands artistes qui nous rendent le service, en éveillant « en nous » le correspondant du thème qu’ils ont trouvé, de nous montrer quelle richesse, quelle variété, cache à notre insu cette grande nuit impénétrée et décourageante de notre âme que nous prenons pour du vide et pour du néant. (Proust, « Du côté de chez Swann », II, p. 189 (NRF, 1926)

      Il faut lire cet extrait quelques fois pour en faire s’exhaler toute la saveur… en notre âme, déjà, et « à propos » de notre âme. De quoi nous donner une « petite idée » de ce qu’est une âme humaine : cachée, obscure, intangible, mais combien infinie, combien éternelle ! L’analogie avec la musique est encore (!) parlante. Elle vous parle aussi, Benoît, non ? La musique est infinie même quand tel musicien n’est plus là, lui ; le piano et ses touches à nuances incommensurables contient « toute la tendresse, toute la passion » du monde passé, présent et à venir… Et quand le corps matériel du musicien se sera dissipé, sa chair, musicienne elle, … ? ? Car ce n’est pas le corps matériel qui est musicien – un corps ne fait pas de musique, c’est le musicien qui en fait. Et il en fait parce qu’il est chair…

      Aïe, à cause de vous, Benoît, on est rendu dans les hautes sphères ! Mais ça promet d’être, c’est déjà, bon, n’est-ce pas ?

  6. Monique dit :

    Étudié hier soir, 20 décembre :

    ● « La fin en toute chose se manifeste en tout dernier lieu. Par conséquent, un être ne devient pas d’un seul coup animal-homme, animal-cheval, et ainsi pour les autres vivants. Or la fin de la génération d’un être, c’est le caractère particulier de cet être. »

    L’âme humaine, ou dit autrement, l’homme, a-t-il dès lors une fin autre que de devenir ce qu’il est, c’est-à-dire un homme ? La question alors devient : Qu’est-ce que c’est un homme ? Un corps, pur et simple ? Un simple vivant comme tous les vivants ? Un animal comme tous les animaux ? Ou autre chose… ?

    ● « En plus, il n’est pas possible que toutes les facultés de l’âme (du vivant) existent d’avance, et voici ce qui le prouve : POUR TOUS LES PRINCIPES DONT L’ACTION EST CORPORELLE, IL EST CLAIR QU’ILS NE SAURAIENT EXISTER SANS UN CORPS. Pas de marche, par exemple, sans des pieds. »

    Jusque là, ça va, n’est-ce pas ? C’est d’une logique implacable : ce qui fait SE MOUVOIR un corps est quelque chose qui a besoin d’être dans un corps et n’existe pas sans un corps. Il n’est pas possible, dit Aristote, de concevoir un mouvement ‘corporel’ sans l’existence d’un corps. La clé, je crois, est dans l’expression « SE mouvoir ». Par ailleurs, on appelle « principe » du mouvement ce qui met en mouvement. Or ce « principe du mouvement » peut être de deux ordres : 1. extérieur, comme quand je pousse la boule de billard qui bouge mais « grâce » au mouvement que j’ai, moi, imprimé ; 2. intérieur, quand le corps SE MEUT par lui-même comme c’est le cas chez tous les vivants : la feuille, par exemple, pousse et croît par elle-même. Le ver de terre…, l’éléphant…, etc.

    ● « (…) D’autre part, il est impossible que les facultés de l’âme soient introduites du dehors . Car elles ne peuvent 1. ni s’introduire d’elles-mêmes, puisqu’elles sont déjà inséparables d’un corps, 2. ni pénétrer par l’intermédiaire d’un autre corps. » [- ces facultés ‘viennent avec’ ou ne sont pas]

    ● « Mais l’intellect, lui, vient du dehors, et il est divin, CAR aucune activité corporelle a quelque chose de commun avec son activité à lui. » (Aristote, ‘De la génération des animaux’, II, 3, 736 b 27-29.)

    S’il vient du dehors, du dehors du corps, l’intellect sera la partie de l’âme qui ne sera pas inféodée au corps. Et donc ne mourra pas avec le corps. Déjà. Sera immortel, du coup, puisque c’est le corps, substance composée, qui se dissout et meurt.
    – La question de la résurrection de la chair suivra… la prochaine fois…

  7. Thérèse L.-Vézina dit :

    Savant entretien ! Pour ma part, la question du poète demeure :

    Objets inanimés, avez-vous donc une âme qui s’attache à notre âme
    et la force d’aimer ? (Lamartine)

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