Dans le cadre de l’espace d’Alzon de Sokodé qui propose des conférences chaque mois (société, spiritualité, dialogue), nous avions prévu au menu de cette semaine une table ronde autour du thème : « Entrer en dialogue avec les autres religions menace-t-il la foi ? » Cinq croyants partagèrent donc leurs réflexions en ce domaine : El hadj Tangao et El hadj Bako musulmans ; le pasteur Pitagnaly de l’Église presbytérienne ; le P. Mihigo, A.A. et moi-même. Sachant que la ville de Sokodé est la ville du Togo où l’Islam est majoritaire, le débat n’avait rien de théorique mais pu s’appuyer sur de nombreux exemples. Le ton fut admirable puisque nos frères musulmans n’hésitaient pas à citer l’évangile tandis que le pasteur citait de mémoire les références du Coran ou que les pères nous rapportaient de belles citations soufies… Le débat fut riche et serein car chaque membre du panel avait déjà une belle expérience de rencontre et de dialogue : participation à des célébrations avec les frères d’autres religions ; voyage d’intégration interreligieux avec le Centre Culturel Saint Augustin ; amis en couples interreligieux ; parcours sur les autres religions, amis de différentes religions etc.
Nous étions tous d’accord pour dénoncer les extrémismes qui n’avaient rien de représentatifs de nos religions, mais qui ne sont que manipulations politiques, sociales ou économiques de nos religions. Que ce soit au sein du christianisme ou de l’Islam, nous avons tous nos lots d’extrémistes d’hier ou d’aujourd’hui. D’autre part, nous avons souligné que si le niveau d’éducation et d’approfondissement de la foi est suffisamment développé, alors la rencontre d’autres religions permet toujours d’approfondir, d’affiner la sienne et non pas de la renier. Enfin nous avons pu évoquer sereinement la jurisprudence en matière de mariage interreligieux qui cherche, du point vue de nos institutions religieuses, à protéger la foi de leurs membres. Ainsi, pour l’Islam d’ici, un musulman peut épouser une chrétienne mais une musulmane ne peut pas épouser un chrétien… Tout simplement car dans le système patriarcal les enfants sont, en principe, sous l’autorité de leur père qui peut donc contrôler la pratique religieuse de ses enfants au moins jusqu’à leur majorité. Il ne faut pas trop s’en étonner car, du côté catholique nous avons le même type de jurisprudence : indépendamment de la question d’autorité de l’homme ou de la femme –vécu différemment en occident-, lors d’un mariage interreligieux ou même d’un mariage mixte (entre chrétiens de différentes confessions) la partie catholique doit s’engager par écrit à élever ses enfants dans la foi catholique !
L’assemblée, relativement nombreuse, ne tarissait pas de questions : qu’en est-il de la liberté religieuse en Islam ? Comment inviter nos croyants de base au dialogue ? Quel dialogue avec ceux qui disent ne croire en rien ? etc. Bref une belle soirée, qui a permis de faire tomber quelques idées préconçues et a donné le goût à chacun de poursuivre le chemin de la rencontre : pari gagné !