Un Dieu colérique ?

3ème  Dimanche de carême, année B, Jn 2,13-25 /

Un Dieu jaloux (cf. la première lecture de ce dimanche), un Dieu colérique, un Dieu violent (cf. l’Évangile de ce dimanche), un Dieu juge ou/et un Dieu d’amour, un Dieu de tendresse et de douceur ? Quel est le véritable visage de Dieu ? On ne manque pas d’évoquer cette scène des marchands chassés du Temple pour justifier la violence au nom de Dieu ! Et certains groupuscules sont prêts à en découdre pour défendre les droits de Dieu, la pureté de la religion et combattre les mécréants ! D’autres chrétiens, au contraire, se sentent un peu mal à l’aise face à cette image d’un Jésus violent et colérique… Alors que faire de cette scène d’Évangile ? Faut-il la supprimer ?

Affiner nos images de Dieu !

Contrairement à certain discours, j’aime souvent rappeler qu’il n’y a pas opposition entre « le Dieu » de l’Ancien et « le Dieu » du Nouveau Testament, mais que la Bible témoigne du long chemin de l’humanité, à travers l’histoire d’Israël, pour faire se rejoindre la recherche de Dieu par l’homme et la recherche de l’homme par Dieu. Ainsi, dans l’Écriture Sainte inspirée « tout est de l’homme et tout est de Dieu ! » : en tâtonnant parfois, les écrivains sacrés vont affiner leur découverte du visage de Dieu : c’est ainsi qu’on lui attribue les caractéristiques supposées d’un Dieu puissant : juge, exterminateur, violent, jaloux, etc. Mais, dans le même temps, Dieu se révèle, et au sein même de l’Ancien Testament les passages ne manquent pas pour nous parler d’un Dieu d’amour, d’un Dieu de tendresse, d’un Dieu de douceur… : « Éphraïm est-il donc pour moi un fils si cher, un enfant tellement préféré, que chaque fois que j’en parle je veuille encore me souvenir de lui ? C’est pour cela que mes entrailles s’émeuvent pour lui, que pour lui déborde ma tendresse, oracle de Yahvé. » » (Jr 31,20) J’aime encore rappeler que ce long cheminement dont témoigne la Bible, loin d’être un témoignage archaïque du passé, interpelle notre propre cheminement spirituel pour découvrir le vrai visage de Dieu. Nous aussi, nous projetons en Dieu bien des images fausses, ou pour le moins inadéquates, tandis que Dieu cherche à se faire connaître de nous ! Ne faut-il pas toute une vie pour affiner nos images de Dieu et nous préparer à le voir tel qu’il est ?

Distinguer violence et colère !

Revenons à notre passage évangélique et lisons-le de près ! Nous avons quatre versions de cette scène des vendeurs chassés du Temple, chez chacun des quatre évangélistes, et n’est-il pas remarquable qu’aucune d’entre elles, je dis bien aucune d’entre elles, n’évoque de quelque manière une colère de Jésus ! De plus la violence de l’expulsion est plus ou moins nuancée : chez Luc, l’évangéliste de la tendresse de Dieu, il nous est dit simplement « Entré dans le Temple, il se mit à chasser les vendeurs, en leur disant… » (Lc 19,45-46) Chez Marc et Matthieu : « il culbuta les tables des changeurs, ainsi que les sièges des marchands de colombes. » (Mc 11,15 et Mt 21,12) enfin chez Jean – le texte proposé pour ce dimanche – : « Il fit un fouet avec des cordes, et les chassa tous du Temple ainsi que leurs brebis et leurs bœufs ; il jeta par terre la monnaie des changeurs, renversa leurs comptoirs. » (Jn 2,15) Notons bien les nuances, seul Jean mentionne un fouet, et ceci en lien avec les animaux. On peut donc supposer que le fouet est à l’intention des brebis et des bœufs et non pas des marchands ! Donc oui, Jésus emploie une certaine violence verbale et physique (toute relative) non par manque de maîtrise d’une colère supposée, mais pour faire sortir Israël d’un ritualisme dépassé et l’ouvrir à une vie nouvelle. La violence est parfois nécessaire pour ouvrir à la vie ! L’enfant qui sort du sein maternel subit une réelle violence : agression de la lumière, air qui rentre dans ses poumons, séparation de sa mère, etc., mais c’est cette violence qui l’ouvre à la vie ! Oui la violence pour la vie est à distinguer nettement de la colère !

Sortir du Temple !

Enfin, ce geste calculé de Jésus est un geste prophétique pour accomplir les Écritures, notamment ce verset qui conclut le livre du prophète Zacharie : « En ce jour-là, toute marmite à Jérusalem et en Juda sera consacrée au Seigneur le tout-puissant. Tous ceux qui viendront présenter un sacrifice s’en serviront pour cuire leur offrande. Il n’y aura plus de marchand dans la Maison du Seigneur le tout-puissant ! » (Za 14,21) Le prophète Zacharie annonçait ainsi l’instauration définitive du règne de Dieu où « toute réalité profane sera intégrée au domaine de Dieu » (cf. note de la TOB). Voilà la véritable clef d’interprétation de cette scène évangélique ! Le Royaume de Dieu est tout proche, Dieu est venu demeurer chez les siens, il n’y a plus besoin de sacrifice, plus besoin de marchands ou d’espace sacré pour communiquer avec Dieu : le temps du Temple est terminé ! Le nouveau lieu de communication entre Dieu et les hommes c’est  Jésus Christ lui-même. Il nous faut donc sortir du Temple : l’espace profane, c’est-à-dire, le quotidien de nos vies, est le nouveau lieu de la rencontre de Dieu : dans l’intimité de la prière, mais aussi dans le service de chacun de nos frères : devenu, en Jésus Christ, nouveau temple de Dieu !

Alors cette scène n’est-elle pas pleine de sens ? Et loin de défigurer Dieu, ne nous invite-t-elle pas :

À Affiner nos images de Dieu,

À distinguer la violence pour la vie de la colère,

À sortir du Temple ?

 

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Une réponse à Un Dieu colérique ?

  1. galoskie dit :

    Bravo, au curéééé !!!!!!! 🙂

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