Une semaine ou une vie sainte ?

Dimanche des Rameaux, année B, Mc 14,1-15,47 /

Au seuil de la semaine sainte, les textes de ce dimanche des Rameaux nous indiquent justement le chemin de la sainteté, celui du Nouvel Adam qui est bien différent du chemin de « l’hommerie », celui du vieil Adam… Quel chemin désirons-nous suivre ? Celui de l’écoute, de la gratuité et de la fragilité ou celui de la méfiance, de la revendication et de la violence ? Mettons-nous justement à l’écoute des textes de ce jour…

Écoute ou méfiance ?

« La Parole me réveille chaque matin, chaque matin elle me réveille pour que j’écoute comme celui qui se laisse instruire. Le Seigneur Dieu m’a ouvert l’oreille, et moi, je ne me suis pas révolté, je ne me suis pas dérobé. » (Is 50,4-5) Cet extrait de la première lecture nous rapporte l’attitude du véritable serviteur de Dieu : chaque matin, cultiver l’écoute de la Parole de Dieu, et chaque matin, se laisser conduire par cette Parole. Une Parole (cf. Verbum Domini) qui, loin de se dire uniquement dans les Saintes Écritures, nous interpelle à partir de l’Intimité de notre relation avec le Christ, du «Livre de la nature », de l’Histoire du Salut, de la Parole prêchée par les apôtres, de la Tradition vivante de l’Église… Cette écoute, se prolongeant naturellement par l’obéissance, du latin ob-audire, littéralement « mettre son oreille (audire) devant (ob) » la Parole de Vie. Ce qui est confirmé par la suite du texte : « et moi, je ne me suis pas révolté, je ne me suis pas dérobé. J’ai présenté mon dos à ceux qui me frappaient… » Cette attitude d’écoute confiante et obéissante est à l’opposé de l’attitude du vieil Adam qui sommeille en nous : méfiance et défiance envers un Dieu rival de l’homme. Cette dernière attitude ne conduisant qu’à la mort puisqu’elle nous incite à nous éloigner de Celui qui est la source de la Vie ! Premier élément essentiel, donc, pour une semaine sainte et une vie sainte : cultiver l’écoute !

Gratuité ou revendication ?

«  Lui qui était dans la condition de Dieu, il n’a pas jugé bon de revendiquer son droit d’être traité à l’égal de Dieu ; mais au contraire, il se dépouilla lui-même en prenant la condition de serviteur… C’est pourquoi Dieu l’a élevé au-dessus de tout » (Ph 2,6.7.9)  Ni devant Dieu, ni devant les hommes, aucune revendication de la part de Jésus pour prendre ce qui lui serait dû ; mais un don gratuit de toute sa vie, de tout son être, de tout son amour qui lui vaudra, toujours dans une logique gratuite de l’amour, d’être « élevé au-dessus de tout » ! Une fois encore nous avons ici l’attitude inverse à celle du récit de la Genèse, où le vieil Adam -embusqué en nous- veut acquérir tout, tout de suite, prendre ce qui lui est dû et revendiquer sa place auprès de Dieu ! Or Jésus lui-même nous dit que cette place auprès de Dieu ne peut être qu’accordée gratuitement à celui qui est assez humble, suffisamment confiant, follement aimant pour se dépouiller totalement de lui-même, se donner gratuitement et se laisser sauver par Dieu ! Deuxième élément incontournable pour une semaine sainte et une vie sainte : vivre dans la gratuité !

Fragilité ou violence ?

« Jésus, poussant un grand cri, expira. » (Mc 15,37) Un Dieu puissant qui déplace les montagnes, envoie la foudre sur les ennemis, ou transforme les pierres en pain : oui cela correspondrait bien à l’image que nous nous faisons spontanément de Dieu ! Mais un Dieu fragile, qui se laisse crucifier au milieu de brigands et qui expire sur une croix, non, décidément cela ne colle pas bien avec nos images du divin ! Et, non seulement durant sa passion, mais tout au long de sa vie, Jésus va s’approcher des êtres fragiles, malades, exclus en partageant leurs fragilités et en se faisant lui-même exclure par les bien-pensants de la religion de l’époque. Par toute sa vie, ses paroles (que l’on pense aux béatitudes), et souverainement par sa passion, Jésus va nous révéler que la fragilité de la condition humaine n’est pas à craindre, mais qu’elle est une condition nécessaire à l’amour ! Attitude diamétralement opposée à celle du vieil Adam -tapi au fond de nous- qui dès qu’il prend conscience de sa fragilité cherche à s’en prémunir : «Alors leurs yeux à tous deux s’ouvrirent et ils connurent qu’ils étaient nus [d’une nudité existentielle]. Ils attachèrent les unes aux autres des feuilles de figuier, et ils s’en firent des ceintures [là où l’on accroche ses armes pour se protéger]… L’homme et la femme allèrent se cacher de la face du Seigneur au centre de l’arbre du jardin. » (Gn 3,7-8) Loin de cacher sa fragilité, comme nous voudrions le faire, Jésus l’expose aux yeux de tous en poussant un grand cri et en expirant sur une croix ! Amour et fragilité vont de paire ! Voici un dernier secret pour une semaine sainte et une vie sainte : accepter notre fragilité !

Qu’en pensez-vous ? Pour une vie informée par la semaine sainte ne faut-il pas :

Cultiver l’écoute ?

Vivre dans la gratuité ?

Et accepter notre fragilité ?

 

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2 réponses à Une semaine ou une vie sainte ?

  1. Monique dit :

    « Et moi, je ne me suis pas révolté, je ne me suis pas dérobé. J’ai présenté mon dos à ceux qui me frappaient… », citez-vous, P. Benoît. Une chose importante m’a frappée en lisant vos commentaires de ce dimanche : jusqu’ici, j’ai toujours essayé de me représenter, pour en mesurer l’ampleur, pour compatir, je suppose, l’horreur des traitements que l’on a fait subir à Jésus de Nazareth. Et j’ai toujours, toujours pensé qu’il était inutile que Dieu le Père ait fait se terminer l’histoire de son Fils de cette façon-là ! Mais aujourd’hui, c’est autrement que votre commentaire me parle : Jésus de Nazareth, en tant qu’homme, est lié aux autres hommes. Son sort a « dépendu » des autres hommes. Or ce qu’un homme fait ou subit, chaque homme est susceptible de le faire ou de le subir lui aussi. En tant qu’homme, nous sommes « liés ». Nous ne faisons rien qui ne concerne les autres humains et nous ne subissons rien qui ne soit lié au fait que nous vivons parmi les autres humains.

    Je suis allée relire le beau texte de Paul Valadier sur la vulnérabilité et j’ai retenu ceci : « Nous nous sentons vulnérables [et nous sommes vulnérables], parce que nous sommes dépendants. Se sentir vulnérable, c’est s’éprouver livré à autre chose que soi ou tout simplement à des réactions de notre chair que nous ne pouvons pas maîtriser ou contrôler en leur totalité. La vulnérabilité semble même nous déposséder de notre maîtrise. Un regard, une parole entendue, une souffrance soudaine nous déstabilisent et nous déconcertent en nous faisant perdre nos assurances établies. Mais c’est aussi être blessé parce qu’on se sent méconnu, méprisé, sous-estimé. » À cause de sa vulnérabilité originelle, quiconque ne se sent pas reconnu pour lui-même fait l’expérience d’une blessure personnelle qui a nom « mépris » (Axel Honneth). Au-delà de la seule remémoration des jours de la passion de Jésus, c’est le fait même de notre interdépendance humaine qui me frappe. L’expérience de Jésus montre d’une façon éminente cette vulnérabilité et cette dépendance proprement humaines. Jésus se montre humain, livré comme tel aux autres humains ; il ne pouvait en être autrement. Et alors, il vient plein de questions : Que nous enseigne plus profondément cette vulnérabilité de l’être humain ? À quoi sert cette vulnérabilité que montre l’histoire de l’homme condamné de Jérusalem ? …qui est la nôtre en même temps puisque « rien de ce qui est humain ne nous est étranger »…

    Est-ce que ce que je dis là fait sens ? Grand merci, Benoît, pour vos commentaires toujours parlants et indéfectiblement fidèles (même sans électricité !).

  2. Je crois que « cet essentiel » souhaité se retrouve dans la Lettre aux amis du blogue de frère Benoît — 1er avril 2012. Merci ! TLV

    « Garde en ton coeur la Parole ;
    voilà ton trésor » (Liturgie des Heures)

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