De bons bergers ?

4eme dimanche de Pâques, année B, Jn 10,11-18 /

Gens des villes et du XXIème siècle, nous ne sommes pas forcément très familiers avec les images pastorales de l’évangile de ce dimanche : un berger, un troupeau, une bergerie… d’autant plus que nous n’avons pas envie d’être pris pour des moutons de Panurge… Mais puisque nous sommes membres du Christ ressuscité, c’est-à-dire, chacun pour notre part, chargés de mettre en œuvre sa vie : essayons de comprendre ces images d’évangile de son point de vue, celui du bon berger… La figure du Christ bon pasteur ne peut-elle pas interpeller chacun d’entre nous sur notre manière de « régner sur notre petit troupeau » ou de vivre la fraternité ? : Une richesse, un sacrifice, une ouverture…

Une richesse !

Pour nous replacer dans la culture biblique, souvenons-vous de quelques grands pasteurs : Abraham qui « était fort riche en troupeaux, en argent et en or. » (Gn 13,2) ; Jacob « qui devint extrêmement riche; il eut de nombreux troupeaux, des servantes et des serviteurs, des chameaux et des ânes… » (Gn 30,43) ou encore Job : « Il possédait aussi 7000 brebis, 3000 chameaux, 500 paires de bœufs et 500 ânesses, avec de très nombreux serviteurs. Cet homme était le plus fortuné de tous les fils de l’Orient. » (Jb 1,1) Les troupeaux, chez ces semi-nomades, étaient donc la seule et inestimable richesse… Ce qui se constate, encore aujourd’hui, par exemple, chez les Peuls, nos plus proches voisins au Noviciat de Sokodé… L’image employée dans l’évangile affirme donc premièrement que nous sommes l’unique et précieuse richesse de Dieu ! Ce n’est pas rien… et surtout cela n’a rien de dépréciatif ! Alors, comme chrétiens, « lieu-tenants » du Christ, comment considérons-nous nos frères et sœurs ? Ceux qui nous sont confiés : notre conjoint(e), nos enfants, mais aussi nos collègues de travail, nos employés, nos « paroissiens », nos élèves, nos voisins… « notre petit troupeau », sont-ils notre plus précieuse richesse ?  En effet, quelle richesse plus grande pourrions-nous avoir que des frères et sœurs ? Ce trésor-là, ce réseau relationnel là, que ni voleur n’approche, ni mite ne détruit, nous le retrouverons dans les cieux ! (cf. Lc 12,33)

Un sacrifice !

La question de la fraternité, depuis Caïn, s’exprime en ces termes : « Suis-je donc le gardien de mon frère ? » (Gn 4,9) Et la réponse de Caïn est radicale : « C’est lui OU moi ! »… et il n’hésita pas à sacrifier son frère sur l’autel de la jalousie ! Pour Dieu, la réponse est inverse : cette humanité, à qui il offre la vie et qui pourtant refuse de l’accueillir, il s’interdit de la supprimer. C’est ce dont parle l’alliance avec Noé : « J’établis mon alliance avec vous: tout ce qui est ne sera plus détruit par les eaux du déluge, il n’y aura plus de déluge pour ravager la terre. » (Gn 9,9) ; et, puisque nous savons que ce texte est de type mythique (et non historique), il faut entendre : « J’établis mon alliance avec vous: tout ce qui est ne sera jamais détruit par les eaux du déluge, il n’y aura jamais de déluge pour ravager la terre. » Pour un Dieu tout amour, la voie de la Vie c’est forcément « ET lui ET moi »… Et pour défendre cette relation vitale jusqu’au bout, c’est lui-même qui se sacrifiera sur l’autel de l’Amour ! : « Je suis le bon pasteur… et je donne ma vie pour mes brebis ! » (Jn 10,14.15) Puisque, nous sommes « lieu-tenants » du Christ pour nos frères, à quel sacrifice sommes-nous prêts, pour sauver coûte que coûte cette révélation évangélique : « La Vie, c’est ET lui ET moi ! » ? Sacrifice de nos opinions, de notre égo, de nos biens,… d’une certaine manière de notre propre vie…  pour la mieux retrouver ?

Une ouverture !

« J’ai encore d’autres brebis qui ne sont pas de cette bergerie : celles-là aussi il faut que je les conduise… Il y aura un seul troupeau. » (Jn 10,16) On peut aisément entendre cette affirmation de Jésus comme une réponse à la question de Caïn « Suis-je le gardien de mon frère ? ». Le Seigneur répond que nous sommes, non seulement les gardiens de nos frères, de nos proches, de « notre bergerie », mais aussi gardiens de nos frères lointains -lointains par la distance, par la religion, par la culture-… et encore que l’humanité est appelée à une unique communion fraternelle ! Comment cultivons-nous cette ouverture à une fraternité toujours plus universelle ? Cela ne demande pas forcément beaucoup d’effort, mais simplement de se laisser interpeller par la vie : il serait bien étonnant que cette attitude de fond n’ouvre pas nos horizons au-delà de « notre petit troupeau »…

Oui le Christ est l’unique Bon Berger !

Mais comme membres du Christ ressuscité,

Comment veillons-nous sur « notre petit troupeau » ?

Une richesse, un sacrifice, une ouverture…

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2 réponses à De bons bergers ?

  1. À partir d’un texte de type mythique, avec images pastorales, quelle belle manière pour un maître d’inviter chacun à mettre en oeuvre sa vie personnelle, cette vie dont la richesse se mesurera à la qualité d’un réseau relationnel à l’exemple de « l’unique bon Pasteur » ! TLV

  2. Monique dit :

    Je viens ici pour me reposer de mes efforts pour comprendre le bonheur, et le comprendre assez finement pour pouvoir animer le dernier 5 à 7 de vendredi dernier… !

    Merci pour le commentaire encore une fois généreux, P. Benoît. Sans entrer, cette fois, directement dans le droit fil de votre texte, je me permets de rappeler ce qu’un de nos professeurs nous a dit un jour – en fait, il a déployé« la notion de pasteur ». Vous dites, Benoît : « Gens des villes et du XXIème siècle, nous ne sommes pas forcément très familiers avec les images pastorales de l’évangile de ce dimanche : un berger, un troupeau, une bergerie… d’autant plus que nous n’avons pas envie d’être pris pour des moutons de Panurge… » Vous avez tout à fait raison ; moi, les moutons et surtout un troupeau de moutons, je connais assez peu, pour ne pas dire pas du tout. Mais la « notion » de pasteur, de son travail, et surtout de sa fonction en tant que pasteur, ça me dit quelque chose… surtout après la belle remarque de notre prof. Il avait dit : « Les moutons se promènent, broutent, et sont comblés dans le pâturage mais ils ne savent pas par quel chemin aller pour trouver un autre pâturage, tout neuf et bien gras. Le pasteur, lui, le sait. »

    J’ai longtemps entendu le lien avec la richesse du maître, sa responsabilité bienveillante, etc. ; mais voir cette histoire, sous l’angle du savoir, c’était la première fois. Et ça m’a frappée. En fait, il nous a mis à la place du mouton et non de celle du maître qui possède les moutons. Avec notre courte vue sur l’ensemble des biens de l’univers, à qui allons-nous nous fier pour avancer dans le maquis des circonstances toutes plus contingentes les unes que les autres ? Et « qui » va nous indiquer qu’au-delà des épreuves et des fatigues, il y a encore un autre pâturage qui va me combler ? Et surtout « où »? Et « qui » sait même si ce champ attrayant que j‘aperçois là-bas est rempli, ou pas, des herbes qui me conviennent ?

    En fait, je vois une belle analogie avec notre enquête sur le bonheur : certains
    « voient » le bonheur dans le délassement, le repos, d’autres dans le plaisir, ou les petits plaisirs, dans une bonne bière (ça, c’est pour ceux qui aiment la bière !), une compagnie agréable, un animal de compagnie (!), un sentiment soudain à saisir… ; bref bien des attraits laissent supposer que le bonheur est quelque part par là. Mais qu’en est-il « vraiment » ? « Qui » va nous le dire ? « Qui » va nous montrer la direction ? Car il s’agit de ne pas se tromper, non ? Le pauvre troupeau, l’idiot de troupeau qui prendrait la décision de parcourir la montagne tout seul risque bien des désenchantements – on a qu’à se rappeler la petite chèvre de Monsieur Seguin…

    Alors, ça prend un pasteur… ou un Pasteur…

    – Je voulais me reposer du bonheur et voilà que je le retrouve au tournant ! On ne peut donc pas en faire l’économie (je veux dire de sa recherche et de sa vérité) ?

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