Une vie à saveur d’éternité !

28ème dimanche, année B, Mc 10,17-30 /

Votre attention n’a-t-elle pas été retenue par le glissement qui s’opère entre la question de départ ; « Que dois-je faire pour avoir la vie éternelle ? » (Lc 10,17) et la finale de notre passage d’Évangile : « Personne n’aura quitté, à cause de moi et de l’Évangile, une maison, des frères… sans qu’il reçoive, en ce temps déjà, le centuple : maisons, frères… et, dans le monde à venir, la vie éternelle. » (Lc 10,29-30) Il me semble que l’Évangile nous invite à passer d’une logique du sacrifice, en vue d’une récompense à venir, à la découverte que notre vie, dès ici-bas, peut prendre saveur d’éternité ! Pour cela les commandements peuvent être utiles mais demeurent insuffisants. La grâce, elle, est nécessaire. Et la récompense, ou plutôt, les bénéfices de notre suite du Christ peuvent se savourer dès maintenant.

Insuffisance des commandements…

« ‘‘Maître, j’ai observé tous ces commandements depuis ma jeunesse.’’ Posant alors son regard sur lui, Jésus se mit à l’aimer. » (Lc 10,21) Jésus aime celles et ceux qui cherchent à mener leur vie selon les belles valeurs que la sagesse humaine met en exergue. Car, reconnaissons-le, la sélection de commandements opérée par Jésus, parmi les dix commandements, ne concernent que le rapport à autrui, et participe donc d’une sagesse humaine partagée bien au-delà de nos sphères chrétiennes : « Ne commets pas de meurtre, ne commets pas d’adultère, ne commets pas de vol, ne porte pas de faux témoignage, ne fais de tort à personne, honore ton père et ta mère. » (Lc 10,19) On pourrait dire qu’ils relèvent du b.a.-ba d’une vie humaine, mais sommes-nous déjà à ce niveau-là ? Car, malgré les apparences, une petite vie tranquille, selon les standards d’une vie moderne, cause, souvent à notre insu, bien des misères à l’autre bout du monde… Ces commandements, ces valeurs humaines, sont bien utiles mais peuvent-ils nous conduire à une vie juste ? Ne sommes-nous pas, déjà là, dans le domaine de l’impossible ?

Nécessité de la grâce…

Jésus, à sa manière, nous dit que la logique d’une petite vie honnête dans le monde qui nous obtiendrait le salut est une illusion « Une seule chose te manque : va, vends tout ce que tu as, donne-le aux pauvres et tu auras un trésor au ciel ; puis viens et suis-moi. » (Lc 10, 21) Et il insiste, cette logique du salut par nos œuvres est comparable à un chameau voulant passer par le trou d’une aiguille, il aura beau faire tous les efforts qu’il voudra, il n’y arrivera pas ! Le salut est donc impossible selon la sagesse humaine, nous ne pouvons que le recevoir comme un cadeau de la part de Dieu : « Pour les hommes, cela est impossible, mais pas pour Dieu ; car tout est possible à Dieu. » (Lc 10, 27) Que l’on soit croyant et dans une logique de la récompense, en fonction de nos œuvres, ou que l’on soit agnostique, dans la logique d’une vie honnête, et dans l’espérance de retrouver un jour ceux que l’on a aimés, reconnaissons nos impasses et nos limites : il faudra bien nous en remettre à la grâce de Dieu pour entrer dans une vie éternelle ! Et ceci, non pas dans le futur, mais dès maintenant !

Une vie à saveur d’éternité…

Non, nous ne pouvons pas viser notre petit bonheur à taille humaine, le seul bonheur possible est à taille inhumaine ! Car comment être pleinement heureux en sachant que d’autres sont dans la misère et la souffrance ? En me masquant les yeux et en me bouchant les oreilles ?… Jésus nous dit, au contraire, que nous ne pouvons viser qu’un bonheur universel : « Va, vends tout ce que tu as, donne-le aux pauvres et tu auras un trésor au ciel ; puis viens et suis-moi. » (Lc 10, 21) Cette radicalité à la suite du Christ, nous y sommes tous invités, mais sous des formes diverses : si je décide de fonder une famille, je dois honorer les miens, mais cet amour privilégié envers mes proches doit m’ouvrir à un amour et à un don de ce que j’ai et de ce que je suis, toujours plus universel ; si j’ai choisi la vie religieuse, le détachement est peut-être plus radical, mais la menace d’une petite vie tranquille et égoïste est bien présente… Quel que soit notre état de vie, nous avons donc à grandir dans le détachement pour nous ouvrir à une fraternité toujours plus universelle, et n’est-ce pas en cela que réside la vie éternelle : «  Amen, je vous le dis : personne n’aura quitté, à cause de moi et de l’Évangile, une maison, des frères, des sœurs, une mère, un père, des enfants ou une terre, sans qu’il reçoive, en ce temps déjà, le centuple. » (Lc 10,29) Je constate autant chez des religieux, des religieuses, que chez des couples qui s’engagent dans divers missions en raison de l’Évangile (parfois de façon assez radicale, après avoir élevés leurs enfants) que le centuple promis est bien réel. N’ai-je pas la chance d’avoir 850 frères assomptionnistes, 120 maisons de par le monde, des « mères », des « sœurs » et des « enfants » en Côte d’Ivoire, en France, au Québec, au Togo et ailleurs ?… Décidément non, il ne s’agit pas d’attendre une récompense, mais de savourer,  jour après jour, les prémices d’éternité de ma vie présente…

S’agit-il donc de savoir quoi faire pour avoir en héritage la vie éternelle,

ou de se laisser faire jour après jour par la grâce,

pour entrer dans une fraternité toujours plus universelle,

et savourer déjà la saveur d’éternité de notre vie ?

 

 

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2 réponses à Une vie à saveur d’éternité !

  1. Ma relecture à propos de l’étrange aphorisme du poète René Char (1907-1988) tombe bien : « Notre héritage n’est précédé d’aucun testament. »
    Pour l’auteur de la métaphore » testament » — pas de culture sans ce trésor qui n’est autre que le souvenir de notre histoire intellectuelle — de notre tradition — des valeurs du passé …
    Pour les pèlerins de bonne volonté que nous sommes, la Parole de ce 28ème dimanche semble privilégier un testament de tout repos, soit cet autre trésor qu’est notre fragilité humaine nous permettant d’anticiper l’héritage « d’une vie à saveur d’éternité !». TLV

  2. Daniela et Christian dit :

    ‘ Pour entrer dans une fraternité toujours plus universelle’
    Nous avons passé quelques jours à Montréal chez notre fils. Une jeune fille musulmane qui travaille pour lui, porte le voile .
    Cette jeune fille met une heure et quart pour rentrer chez elle en autobus. Cet après- midi là, elle demanda ( toute contente) de quitter un peu plus tôt, étant donné que sa cousine allait la raccompagner chez elle en auto. Quand elle apprit que nous allions à Laval chez des amis pour souper, elle demanda à sa cousine de nous accompagner. Constatant qu’il n’y avait pas de place pour tout le monde, elle insistat pour que nous allions en voiture et elle, retournerait en autobus. Ce qu’on refusa.
    Devant tant de générosité et de bonté, comment ne pas rendre Grâce à Dieu?
    Ce qui fut fait, hier à la Messe du Montmatre. Et à la fin de la Messe soeur Noëla a entonné le chant de Robert Lebel ‘Être pour eux un signe du Royaume’ ou plutôt ‘Être pour nous un signe du Royaume’
    Que c’est facile de voir la présence de Dieu dans des moments pareils.

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