Un roi pour l’univers ?

 

34ème dimanche, année B, Jn 18,33b-37 /

Cette fête du Christ, roi de l’univers, que peut-elle bien signifier, à notre époque où les rois n’existent plus vraiment, si ce n’est sous la forme de monarchies fantoches dépendantes d’un pouvoir politique issu des urnes ? En quoi, à l’heure où l’on ne prône que la démocratie – faute de mieux –, la royauté du Christ sur l’univers peut-elle être une Bonne Nouvelle ? Alors que les personnes de bonne volonté essaient d’apprendre à vivre ensemble, au-delà des appartenances religieuses, l’étendard du Christ, roi de l’univers est-il le bien venu ? N’ouvre-t-il pas la porte à toutes sortes de fanatismes identitaires ?… Nous autres, familiers de l’Évangile, sentons bien que ces éventualités sont en porte-à-faux avec la figure de Jésus de Nazareth… Le reconnaître comme unique roi de l’univers n’est-il pas au contraire un formidable atout contre toute aliénation, contre toute idéologie, contre toute déshumanisation ?

Une royauté qui rend libre !

Certes nous avons détrôné les rois, mais sommes-nous pour autant vraiment libres ? Qui règne sur nos vies ? L’argent ? C’est sûr ! Ne serait-ce que par le rouleau compresseur de nos économies de marché, qui fonctionnent de plus en plus mal… Le dogme de la consommation ? C’est quasiment sûr, malgré quelques farouches chevaliers défenseurs de la décroissance ou de la simplicité volontaire… La pensée unique ? C’est souvent le cas, lorsque ceux qui ont accès aux grandes caisses de résonnance médiatiques, nous martèlent que les religions sont sources de violence, que tous les politiciens sont pourris ou que le choc des civilisations est inévitable… La dernière trouvaille de pseudo-psychologie qui nous promet un développement personnel formidable et le bonheur à notre porte ?… On pourrait multiplier les exemples à l’infini… La nature ayant horreur du vide, j’ai l’impression que dès que l’on détrône un roi, c’est pour en mettre un autre à sa place. Ou pour le dire autrement, dès que l’on commence à accéder à une certaine liberté, on s’empresse de s’aliéner à un nouveau « maître », car la liberté nous est, par trop, inconfortable ! Reconnaître que le Christ est le seul à pouvoir régner sur nos vies, n’est-ce pas une garantie, contre toute aliénation ? Car Lui nous révèle l’Évangile à longueur de page, ne cherche nullement à nous aliéner mais à nous libérer !

Une royauté qui se livre par amour !

La démonstration que la royauté du Christ n’est nullement à craindre, réside dans cette scène de la confrontation entre Jésus et Pilate, proposée à notre méditation ce dimanche. En effet, tout au long de l’Évangile, lorsqu’à plusieurs reprises on veut introniser Jésus roi d’Israël, il s’empresse de poursuivre sa route et de dissuader ses admirateurs en leur imposant le plus grand silence à propos de sa messianité. Par contre, le seul moment où Jésus laisse entendre qu’il est effectivement roi, c’est dans cette scène du prisonnier sur le point d’être mis à mort : « Ma royauté ne vient pas de ce monde ! » Cette fois plus de méprise possible : la royauté du Christ se révèle dans le don de lui-même, par amour, jusqu’à la mort ! Son trône, c’est la croix ! Alors, franchement, croyez-vous que l’on puisse se référer au Christ pour partir à la guerre, bannières aux vents, contre les autres religions, contre les autres façons de penser, contre les mœurs dépravées ? Non ! La Royauté du Christ, que doivent imiter ses disciples, ne peut être que de l’ordre du don de soi par amour.

Une royauté qui défend et l’humain et Dieu !

La figure du roi, serviteur souffrant, ne vient-elle pas alors réconcilier Dieu et l’Homme ? Car finalement, la crainte d’affirmer la royauté du Christ sur l’univers, ne tient-elle pas dans cette peur existentielle qui habite bien des humains : « c’est moi ou Dieu », « pour que j’existe, Dieu doit disparaître de ma vie » ? Or, toute la vie du Christ nous dit le contraire : suivre le Christ c’est devenir plus humain, donner plus de place à Dieu dans ma vie, c’est la rendre plus humaine. Dieu n’est pas ce despote imaginaire dont nous entretenons l’image pour éviter de nous laisser interpeller par sa présence. Dieu se révèle en Jésus de Nazareth, cet humble serviteur souffrant, et en cela vainqueur de toute haine, de tout mal et de toute mort ! Cette royauté-là, défend l’humain jusqu’au bout et défend Dieu de toutes les images déformantes que l’on projette complaisamment sur lui.

Alors ne pensez-vous pas qu’affirmer la royauté du Christ sur l’univers est vraiment une bonne nouvelle ?

Le laisser régner sur nos vies n’est-ce pas :

Nous prémunir de toute aliénation ?

Le suivre résolument sur le chemin du don de soi ?

« Nous porter là où Dieu est menacé dans l’homme

 et l’homme menacé comme image de Dieu ? »[1]



[1] Règle de Vie des Augustins de l’Assomption, n° 4

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Une réponse à Un roi pour l’univers ?

  1. Monique dit :

    Vous dites : « Cette fête du Christ, roi de l’univers, que peut-elle bien signifier, à notre époque où les rois n’existent plus vraiment, si ce n’est sous la forme de monarchies fantoches dépendantes d’un pouvoir politique issu des urnes ? En quoi, à l’heure où l’on ne prône que la démocratie – faute de mieux –, la royauté du Christ sur l’univers peut-elle être une Bonne Nouvelle ? » Votre question, P. Benoît, m’a fait réaliser qu’en effet, il est fort possible que l’on ne sache plus, de nos jours, ce que c’est qu’un « roi ». Ou, plus concrètement : Que veut dire, pour moi, le mot « roi » ? Christ roi, je veux bien, mais la question est bien là : Que veut dire le mot « roi » ? Sans doute que bien des personnes qui vous lisent le savent, mais moi pas. Aussi, j’ai jeté un coup d’œil rapide à mes dictionnaires et à Wikipédia ; voilà ce que j’en tire, c’est pas mal intéressant : Le roi a principalement un rôle social de pacification, associant les fonctions de premier juge, de chef de guerre et de garant de la cohésion d’une société. Il est extérieur aux ordres, aux partis ou aux classes sociales qu’il a pour fonction de maintenir en équilibre. Extérieur aussi, c’est surprenant, à cette classe qu’est la noblesse. Le roi serait alors le personnage le plus libre du royaume.

    En tant que tel, le roi n’appartient ni au clergé, ni à la noblesse, ni aux intérêts économiques, et ne représente spécifiquement aucune de ces forces. D’ailleurs, la « notion » de roi qui implique les pouvoirs politiques (au sens fort du terme) et les pouvoirs sacrés, n’est pas liée aux pouvoirs religieux, qui restent du domaine des prêtres, des mages ou des sorciers. Le roi, en tant que roi, n’a pas le pouvoir de faire ou de changer la loi et les coutumes. En sciences politiques, le terme générique qui est utilisé pour désigner celui qui a ces pouvoirs dans un État, c’est celui que l’on nomme « le premier magistrat d’un État ». Il a le titre de « prince », qu’il soit roi ou président élu. En somme, un roi, s’il accepte les fonctions de premier magistrat de son pays, il aura le pouvoir sur les lois ; mais ce sera en tant que prince et non en tant que roi.

    La royauté est toujours définie par des règles coutumières qui « s’imposent » au roi, le désignent et lui donne sa légitimité. En France, l’ensemble de ces règles et de ces usages s’appelait les « Lois fondamentales du royaume ». La royauté, d’une manière générale, semble se limiter (!) à la fonction d’incarner l’unicité de l’État, sa paix (intérieure et extérieure) et sa justice. Le roi serait donc le gardiens des valeurs les plus hautes de son pays.

    La royauté n’est pas, non plus, équivalente à la monarchie, conçue comme le régime politique dans lequel tous les pouvoirs sont exercés par un seul : le monarque peut porter le titre de roi, mais également celui d’empereur, de tyran, de dictateur, de consul, de Premier secrétaire…

    Bref, en tant que roi, le roi est le contraire d’un dangereux personnage ; en tant que roi, le Christ sera alors le contraire de « ce despote imaginaire dont nous entretenons l’image ». Le « mot » roi nous fait peur et du coup « Christ roi » nous fait peur aussi ! » Le mot roi correspondrait plutôt à ce que vous dites de Dieu dans votre dernier paragraphe, P. Benoît. C’est à bon droit que nous pouvons penser que tout roi, dès lors, tient sa légitimité de Dieu, le premier et le plus digne d’être appelé roi au sens plein du terme. Ou plutôt, c’est Lui qui donne tout son sens au mot roi.

    Pardonnez-moi ce petit détour par les dictionnaires, mais vraiment, le mot roi m’interpellait trop. Vous trouvez pas que ces quelques notes sont parlantes ?

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