18 octobre 2015, 29ème dimanche, année B, Mc 10,35-45 /
Vingt-neuvième dimanche du temps ordinaire… Journée mondiale des missions… Synode sur la famille… Canonisation de Louis et Zélie Martin… La tête me tourne un peu au moment d’aborder cette méditation. Sur quoi s’arrêter : l’évangile du jour, la lettre du pape François à l’occasion de la journée des missions, les échos du Synode, le couple Martin ? Eh bien, une fois n’est pas coutume, je voudrais m’arrêter avec vous sur la famille Martin, une famille qui, comme son nom l’indique, aurait pu passer inaperçue, une famille qui n’a rien vécu d’extraordinaire et qui, pourtant, a habité son « ordinaire » avec une grande foi et un grand abandon au Seigneur. N’illustre-t-elle pas l’évangile de ce jour : « Celui qui veut devenir grand sera votre serviteur » (Mc 10,43) ? Et puis s’arrêter sur cette famille nous permet également d’aborder le souci missionnaire de tout disciple du Christ -nous le verrons-, ainsi que le souci des pères synodaux et du pape en particulier, de nous proposer le foyer chrétien comme lieux de sanctification. Un autre facteur détermine mon choix : c’est tout de même la première fois, dans toute l’histoire de l’Église que sont canonisés, ensemble, deux époux. Dans le passé il y a eu des époux canonisés séparément (saint Henri en 1146 et sainte Cunégonde en 1200 par exemple), des époux béatifiés ensemble (Luigi et Maria Beltrame Quattrocchi en 2001) ; mais cette première canonisation simultanée de Louis et Zélie Martin (béatifiés ensemble en 2008) est un message fort à l’adresse de toutes les familles du monde qui peuvent être des foyers de sanctification. Arrêtons-nous sur cette famille qui ne manqua pas d’épreuves et où chacun pourra se retrouver dans tel ou tel aspect de leur vie.
Une vie de famille voulue par Dieu.
Louis et Zélie n’ont pas désiré au départ fonder une famille chrétienne, mais tous deux avaient d’abord songé à la vie religieuse. Vers 22 ans, Louis voulu entrer au monastère du Grand Saint Bernard, chez les chanoines réguliers de saint Augustin. Mais ne maîtrisant pas suffisamment le latin son projet n’aboutit pas. Zélie, quant à elle, souhaitait entrer à l’Hôtel-Dieu d’Alençon mais n’y fut pas admise par la supérieure. Chacun évolua donc dans son métier, Louis comme horloger et Zélie à la tête d’un atelier de dentelières. Tous deux étant toujours bien engagés dans la vie chrétienne. Louis, par exemple fréquente le cercle Vital Romet qui réunit de jeunes adultes chrétiens et s’engage à la conférence St Vincent de Paul (œuvre sociale). Ce n’est qu’en 1858 qu’ils se rencontreront et se marieront, lui ayant 35 ans et elle 27. Toujours marqués par leur désir de vie de sainteté et de vie religieuse ils décidèrent, au départ, de vivre comme frère et sœur dans la continence perpétuelle, mais leur confesseur les en dissuada. Voilà donc déjà quelques aspects qui pourront rejoindre certains : projet de vie religieuse contrarié, mariage tardif, souci de gagner sa vie…
Une famille marquée par les épreuves…
C’est donc après bien des détours que cette famille, voulue par Dieu, devint une vraie famille chrétienne féconde. Ils donneront naissance finalement à 9 enfants, 7 filles et deux garçons, mais 4 mourront en bas âge, seules cinq des filles atteindront la vie adulte : Marie, Pauline, Léontine, Céline et Thérèse. Outre cette douleur des enfants partis trop vite, la famille ne sera pas épargnée par d’autres épreuves : tourments pour la survie et l’avenir de leurs enfants, Léonie enfant difficile, soucis économiques et professionnels, inquiétudes dues aux aléas politiques du pays et cancer du sein pour Zélie qui entrainera sa mort à 46 ans alors que la petite dernière, Thérèse, n’a que 4 ans. Après 19 ans de vie commune, Louis se retrouve veuf et la famille doit déménager à Lisieux pour se rapprocher du frère de Zélie et de son épouse afin qu’ils puissent apporter leur aide pour l’éducation des cinq filles. Dernière épreuve dans la vieillesse de Louis avec une maladie occasionnant de graves troubles mentaux, ce qui ne manqua pas de faire parler les médisants accusant les cinq filles d’avoir abandonné leur père. Dans toutes ces épreuves ils s’en remettent à la volonté de Dieu : « Le mieux est de remettre toutes choses entre les mains du Bon Dieu et d’attendre les évènements dans le calme et l’abandon à Sa volonté. C’est ce que je vais m’efforcer de faire. 1 Sommes-nous disponible au même abandon ?
Une famille missionnaire…
Car, en effet, cette famille est missionnaire : Zélie avait demandé à Dieu de nombreux enfants « pour qu’ils lui soient tous consacrés. »… Elle sera comblée, même si ce n’est pas tout à fait de la manière envisagée. Les parents désiraient un fils prêtre pour les missions… Les garçons ne survivront pas… « Madame Martin faisait prier ses ainées chaque soir pour réclamer à St Joseph un petit frère qui, un jour, offrira l’hostie et s’en ira en terre lointaine… Ayant le désir d’offrir à Dieu un prêtre qui serait missionnaire, Louis et Zélie Martin avaient à cœur de soutenir les œuvres missionnaires. Ils furent parmi les premiers inscrits à l’œuvre de propagation de la foi que venait alors de fonder Pauline Jaricot. »[1] C’est en Thérèse que s’accomplira leur vœu : patronne des missions ! Ils désiraient offrir leurs enfants au Seigneur, quatre d’entre eux leur seront enlevés en bas âge. Au décès d’Hélène, âgée de 5 ans, la maman écrit dans une lettre : « Quand Louis est rentré et qu’il a vu sa pauvre petite fille morte, il s’est mis à sangloter en s’écriant : ‘ma petite Hélène, ma petite Hélène !’ Puis nous l’avons offerte ensemble au Bon Dieu. »1 Les cinq filles parvenues à l’âge adulte deviendront religieuses : quatre carmélites et une visitandine. Louis accepte dans la foi la vocation de ses filles. « A l’annonce de l’entrée de Céline au Carmel, le 15 Juin 1888 : ‘Viens allons ensemble devant le Saint Sacrement remercier le Seigneur qui me fait l’honneur de prendre tous mes enfants’. »1 Quel zèle pour l’annonce de l’Évangile !
Oui toutes nos familles humaines, à travers les joies et les épreuves, peuvent devenir des lieux de sanctification. Rendons grâce à Dieu pour la famille Martin qui veut soutenir toutes nos familles ici-bas :
« Je veux passer mon ciel à faire du bien sur la terre » disait sainte Thérèse,
Ne doutons pas que sainte Zélie et saint Louis
sont animés de la même sollicitude à notre égard !
[1] Site Internet du sanctuaire d’Alençon : http://louiszeliemartin-alencon.fr/
Oui, par la voix du psalmiste, je pourrais moi aussi dire « qu’est-ce que l’homme Seigneur pour que tu penses à lui, le fils de l’homme que tu en prenne souci. Tu l’a voulu moindre qu’un Dieu , mais tu le couronnant de gloire et d’honneur » (Ps 8). Quel grand et beau témoignage de vie par le couple Martin. Saurons-nous rester fidèles à Dieu et lui demander force, courage et détermination au moment de l’épreuve surtout quand tout semble sombrer dans le désespoir. Que le Seigneur bénisse nos familles biologiques et que, poussées par la force de l’Esprit, elles soient lieu de témoignage, de soutien mutuel et de conversion.
Merci pour la beauté de la création qui laisse resplendir la vie du Noviciat. Les œuvres du Seigneur sont vraiment belles. Courage et qu’à la suite du Christ pauvre, chaste et obéissant nous puissions le servir dans l’humilité afin que son Règne advienne en nous et autour de nous.