« Il est venu chez les siens, et les siens ne l’ont pas reçu… »

Fête de la Nativité du Seigneur (messe du jour),  Jn 1,1-18 /

Comme chaque année, la liturgie du jour de Noël, en contrepoint à la messe de la nuit, prend de la hauteur par rapport aux récits sur l’enfance de Jésus. Les textes nous plongent en effet dans le mystère de l’Incarnation avec le célèbre passage du prologue de l’évangile de Jean. C’est un texte que j’affectionne particulièrement notamment pour cette vision de l’Incarnation qui a commencé à se déployer depuis la Création du Monde (« Il était dans le monde »), qui se concrétise lors de la Nativité de Jésus (« Et le Verbe s’est fait chair ») et qui se poursuit jour après jour, au cours de l’histoire, jusqu’à la pleine « Christification du Monde », comme le disait si bien Teilhard de Chardin. Mais c’est un aspect de cette grande fresque de l’histoire du Salut qui retient mon attention cette année : « Il est venu chez les siens, et les siens ne l’ont pas reçu » (Jn 1,11). Car, malheureusement, il semblerait que cette affirmation soit de plus en plus vraie dans nos sociétés dites ‘chrétiennes’ qui semblent avoir mis la foi aux oubliettes, ou qui ne revendiquent plus leurs racines chrétiennes que comme une coloration culturelle ou un étendard identitaire !… En cette fête de Noël, il bon de nous interroger sur notre façon de nous situer par rapport à ce mystère de l’Incarnation du Verbe de Dieu dans notre Monde : Sommes-nous des chrétiens culturels, des chrétiens cultuels ou des chrétiens disciples du Christ ?

Sommes-nous des chrétiens culturels ?

       Oui, la foi chrétienne a donné lieu à de splendides réalisations culturelles et artistiques, que l’on pense à nos cathédrales, à nos églises romanes, ou à nos monastères ; à une grande partie de la musique classique ; aux festivités populaires de nos villes et de nos villages ; aux traditions culinaires… et que sais-je encore ! Et nous sommes, en général, très attachés à ces aspects de nos vies collectives et individuelles qui semblent leur donner de l’authenticité, qui nous rappellent surtout nos racines, notre enfance et qui nous font du bien. Mais franchement qu’est-ce que cela veut dire d’être attaché à toutes ces manifestations de la foi chrétienne si en même temps on se dit non-pratiquant ou contre l’Église ; si nous ne croyons pas que Jésus soit le Fils de Dieu ; si l’on se sent plus proche du Bouddhisme -dans sa version occidentale déformée et athée- que du christianisme ; ou si l’on se déclare ouvertement agnostique, ne sachant pas trop ce qu’il en est de l’existence de Dieu et d’une vie après la mort ? Il est venu chez les siens et les siens ne l’ont plus reconnu…

Sommes-nous des chrétiens cultuels ?

     Dans certaines régions du monde, où la pratique religieuse est encore liée à une pression sociale et familiale, on trouve aussi des chrétiens « liturgisés », ce que j’appelle des chrétiens cultuels qui semblent fréquenter l’eucharistie dominicale, ou au moins les célébrations des grandes fêtes chrétiennes -surtout Noël-, pour faire plaisir à la maman ou à la grand-mère. Parfois cette pratique s’accompagne d’une certaine foi, mais il ne faut pas leur parler d’engagements au service de l’Église, d’accueil de migrants, de mouvements chrétiens, de retraite spirituelle ou de témoignage de leur foi… C’est plutôt « moi et mon Dieu ! » : une affaire privée ! Il est venu chez les siens et les siens n’ont pas voulu faire communauté…

Sommes-nous des chrétiens disciples du Christ ?

       « Mais tous ceux qui l’ont reçu, ceux qui croient en son nom, il leur a donné de pouvoir devenir enfants de Dieu. » (Jn 1,12) N’en déplaise à ceux qui veulent interpréter à leur manière la vie de Jésus, qui en prennent, un peu, et qui en laissent, beaucoup, de ce que dit l’Église. Jésus est venu fonder une communauté de disciples. Comme le disait notre fondateur, le P. d’Alzon : « Si vous ne voyez dans la crèche que le berceau du Dieu fait homme, vous n’avez rien compris au mystère. Avec Jésus Christ naît toute l’Église. » Il faut le répéter à temps et à contre temps, Jésus n’a rien écrit, Jésus n’a laissé aucune loi, la seule chose qu’il ait « instituée » c’est une communauté de disciples. Et ce sont ces premiers disciples qui ont mis par écrit leur expérience de foi en Jésus Christ à travers les épitres et les évangiles. Sans eux nous ne saurions rien de Jésus ! Comment croire alors que l’on puisse dire encore « Jésus oui, l’Église non ! », sans l’Église il n’y a aucun accès à Jésus ! Les seuls écrits non ecclésiaux évoquant Jésus sont quelques lignes de Flavius Joseph, historien juif des premiers siècles, dans ses Antiquités judaïques parues en 93 ou 94, pas de quoi construire un portrait de Jésus… Se dire chrétien, c’est donc se reconnaître disciple du Christ ; se considérer comme membre de la communauté des disciples ; chercher sans cesse à approfondir et à vivre sa foi grâce aux sacrements, aux enseignements de l’Église, à un engagement en Église ; cultiver une relation personnelle avec Jésus Christ, grâce à la prière ; s’engager, avec d’autres, au service du monde et des plus petits…

Alors fêter Noël, oui, mais le fêterons-nous en tant que chrétiens ?

Et quel chrétien ?

Chrétien culturel ? Chrétien cultuel ? Ou Disciple du Christ ?

 

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